Comment s’informera-t-on dans 10 ans ? – Francis Morel

13 personnalités du journalisme et de l’information ont confié, pour les Assises, leurs idées, leurs intuitions, leurs craintes, leurs espoirs pour la décennie à venir. 13 personnalités du journalisme et de l’information ont confié, pour les Assises, leurs idées, leurs intuitions, leurs craintes, leurs espoirs pour la décennie à venir. Lisez leurs textes ici.

 

 

francis morelFrancis Morel, président-directeur général des groupes Les Echos et Le Parisien-Aujourd’hui en France, également président du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) livre, pour les Assises, son regard sur l’avenir du métier de journaliste.

 

Répondre à cette question il y a 10 ans aurait conduit à des déclarations très éloignées de la réalité que nous vivons aujourd’hui. Il y a 10 ans, les IPad n’existaient pas, le smartphone en était à ses balbutiements, Twitter n’était pas encore créé et les blogs très peu répandus.

 

Or aujourd’hui nous vivons à chaque instant avec ce dont nous ne pouvons plus nous passer et qui nous informe à chaque instant. Avec ces médias que la technologie nous a apportés, nous sommes informés partout et instantanément.

 

Mais au-delà de l’information pure, la plus grande révolution est peut être venue de la réaction de l’informé. Autrefois, (il n’y a pas si longtemps, 10 ans à peine …) le journaliste délivrait l’information que le lecteur / téléspectateur / auditeur recevait. Le lecteur commentait ensuite cette information avec sa famille, ses amis, mais ses réactions se limitaient à un cercle proche.

 

Aujourd’hui, par les blogs, les réponses aux tweets, l’information n’est plus seulement descendante, à sens unique ; au contraire, le lecteur réagit immédiatement, son commentaire est connu par tous et, à son tour, commenté. Le journaliste, en tant que seul sachant, est commenté, critiqué, et même contesté.

 

La vraie révolution de l’information de ces 10 dernières années n’est pas seulement dans la possibilité d’avoir accès à l’information partout et en permanence. Cette même technologie qui nous le permet, permet aussi à chacun de réagir, de commenter; bref le magistère du journaliste a été remis en cause.

 

C’est peut-être là que se trouve l’origine de la défiance à l’égard des journalistes : chacun étant au courant de tout et pouvant réagir à tout événement, le journaliste est, lui aussi, critiquable et critiqué.

 

Chacun se pense journaliste.

 

Alors, qu’en sera-t-il dans 10 ans ?

 

Cette abondance d’informations, partout et tout le temps, ne cessera pas. Nous pourrons trouver les informations dans la rue, sur des affiches animées qui diffuseront les dernières nouvelles en permanence, dans notre voiture ou par les machines learnings qui n’en sont aujourd’hui qu’à leurs premières ébauches mais qui seront devenues très habituelles à chacun de nous et dans chacun de nos foyers.

 

Nous aurons à l’avance précisé les sujets qui nous intéressent et recevront spontanément les informations correspondantes sans que nous ayons à les demander.

 

La prochaine révolution de l’information sera très probablement vocale : nous demanderons ce que nous recherchons, qui nous intéresse et recevront de la même manière les nouvelles correspondantes.

 

Face à ces changements, le problème le plus important ne sera pas comment chacun reçoit l’information mais comment le journaliste informera. À côté du journaliste de desk, donnant l’information immédiate, (mais qui devra faire un tri pour ne pas diffuser n’importe quelle nouvelle) , il y aura nécessairement deux autres fonctions complémentaires et essentielles :

 

Le journalisme d’investigation qui devra vérifier et enquêter sur les faits : l’abondance d’informations fausses , de déclarations péremptoires et souvent farfelues que chacun pourra émettre, et qui pourront avoir d’autant plus de poids que la technologie leur permettra d’être diffusées instantanément dans le monde entier, imposera cette forme de journalisme qui devra expliquer , rectifier.

On voit aujourd’hui le poids de déclarations de D Trump, Poutine, (le nouveau mode de gouvernement par twitts sous couvert de démocratie directe) et on comprend l’importance et la responsabilité des journalistes.

Comment discerner le vrai du faux quand chacun peut envoyer n’importe quelle information?

Le journalisme d’information, d’enquête sera indispensable à nos démocraties ; encore plus qu’aujourd’hui.

 

– L’autre forme de journalisme, sera le journalisme d’analyse et de réflexion, qui s’assimile au travail actuel de nos éditorialistes et dont l’importance sera essentielle pour décrypter, expliquer et mettre en perspective.

 

Le rôle des journalistes sera donc encore plus important demain qu’aujourd’hui ; plus difficile aussi compte tenu du discrédit dont souffre notre métier auprès de certains.

 

Les bons résultats de diffusion du New York Times face aux déclarations du président américain sont un signe d’encouragement pour notre profession.

 

Ce besoin d’enquête, d’analyse, de réflexion est bien perçu par nos lecteurs, face aux vagues de populisme qui se développent actuellement.

 

s informer dans 10 ans

Le fil de Tours