Dossiers Pays
Maroc
La liberté de la presse est garantie par l’article 28 de la Constitution marocaine. Le secteur est régulé par la loi de la presse et de l’édition promulguée en 2016 Code de la presse 2016. Cette loi a abrogé celle de 2002, jugée comme restrictive. Plusieurs prescriptions ont été modifiées, et représentent des avancées. Elles comprennent la suppression de la peine de prison pour les délits de presse, la reconnaissance de la liberté à l’accès à l’information comme un droit constitutionnel, la reconnaissance des médias en ligne en tant que supports médiatiques à part entière. Autre ajustement positif, la création du Conseil national de la presse chargé de superviser la performance des médias et protéger la profession journalistique.
Cependant malgré ces réformes, l’environnement législatif relatif à la liberté de la presse impose des limites. En effet, si le nouveau code de la presse ne prévoit plus de peine de prison, il maintient en revanche la plupart des délits d’expression que prévoyait l’ancien code de 2002. Ces peines introduites par amendement dans le code pénal en juillet 2016, peuvent conduire un journaliste en détention, notamment pour les écrits ou discours publics “portant atteinte” à la monarchie, à la personne du roi, à l’islam et à l’intégrité territoriale du Maroc.
En outre, d’autres lois modifiées ou promulguées ces six dernières années viennent renforcer l’arsenal judiciaire : la loi antiterroriste adoptée après les attentats de Casablanca en 2003 et la loi sur la diffamation promulguée en 2019, qui prévoit des sanctions sévères pour lutter contre la diffamation sur les réseaux sociaux.
Dans le domaine de la loi audiovisuel, malgré la fin du monopole de l’Etat en 2002 avec la création la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) et les diverses lois visant à libéraliser le secteur adoptées en 2005, 2015 et 2016, le domaine reste étroitement contrôlé. En effet, bien que ces lois aient favorisé l’émergence de nouvelles stations de radios privées – Le Maroc compte 19 radios privées en 2022- et des chaînes de télévision publiques -9 chaînes-, le panorama des chaînes de télévision privées ne s’est pas élargi.
Enfin la loi sur l’accès à l’information entrée en vigueur en mars 2020, énumère treize catégories d’informations qui peuvent être exemptées du droit d’accès, comme la défense nationale et la vie privée. Cependant la portée de ces catégories n’est pas précisément définie, ce qui rend l’accès à l’information inéquitable.
La télévision reste la source d’information la plus populaire au Maroc. Le secteur de l’audiovisuel marocain dont les principales chaînes informatives sont 2M et Al Aoula peine toutefois à fédérer un large public, plus enclin à se tourner vers les chaînes satellitaires panarabes,et plus particulièrement la chaîne qatarie Al Jazeera.
Derrière le média de masse, internet est tout aussi répandu, surtout auprès des jeunes Marocains âgés de 18 à 35 ans. 87% d’entre eux s’informent via internet et les réseaux sociaux, où l’information n’est plus uniquement produite par des journalistes professionnels, mais aussi par des journalistes citoyens, influenceurs, blogueurs et créateurs de contenu.
Il n’existe toujours pas de cartographie permettant de recenser le nombre de sites qui inondent la toile marocaine, les estimations variables fluctuent entre 2000 et 5000.
Si la presse traditionnelle a investi l’espace digital, elle peine toutefois à s’y imposer, devancée par l’écrasante popularité des pure players arabophones. Ces médias dont beaucoup traitent l’actualité régionale, nationale et internationale sont parvenus à se faire une place dans le paysage médiatique comme Hespress qui occupe la première place avec 19,3 Millions de visites quotidiennes, ou encore ChoufTV, une Web TV dont la ligne éditoriale axée sur le sensationnalisme, enregistre plus de 18 millions d’abonnés sur sa page Facebook et dépasse le milliard de vues par mois pour l’ensemble de ses vidéos sur YouTube.
La radio pour sa part enregistre sa plus forte pénétration dans les zones urbaines, et rassemble à l’échelle nationale 55% d’auditeurs. La radio publique Mohamed VI du Saint Coran, reste la radio la plus écoutée, suivie de Med Radio qui est en tête des radios commerciales. Ses programmes permettent une participation directe des auditeurs et sont principalement axés sur le divertissement et les sujets sociaux. Selon l’organe de réglementation, il existe au total 35 stations,16 appartiennent à l’Etat et 19 à des entités privées.
Enfin, la presse papier déjà confinée dans les zones urbaines en raison d’un taux d’analphabétisme élevé dans le pays et très fragilisée par une crise structurelle depuis de nombreuses années, n’a pas résisté à l’impact de la crise sanitaire.
Derrière ce pluralisme apparent, le paysage médiatique est marqué par une forte concentration de la propriété des médias entre les mains de quelques groupes privés. L’étude “Radioscopie des propriétaires des médias au Maroc”, réalisée en 2017 par le site d’information marocain Le Desk et l’ONG Reporters sans frontières (RSF), a mis en évidence une concentration importante des médias marocains entre les mains de quelques entreprises et personnalités influentes de la vie politique et économique du pays, ainsi que la Société nationale d’investissement, une holding appartenant à la famille royale.
Le secteur de la radio reste largement contrôlé par l’Etat, mais la propriété est plus diversifiée, avec la présence de petites entreprises. Les radios privées ont connu une croissance rapide au fil des ans, avec une part d’audience en constante augmentation. Le traitement des questions politiques au sein de ces médias reste cependant très restreint. Dans leur ensemble, les stations diffusent des émissions de divertissement, de la musique et des sujets économiques.
Enfin, la loi audiovisuelle marocaine n’autorise pas les stations de radio communautaires à émettre sur les ondes, internet reste le seul média libre au Maroc capable de contourner de telles restrictions. Au nombre de 69 en 2015, elles ne sont plus qu’une quinzaine aujourd’hui.
La pratique de l’autocensure est élevée au Maroc. Les journalistes évitent délibérément les sujets sensibles ou les modifient par peur des représailles. Par ailleurs, l’autocensure ne concerne pas seulement que les sujets politiques, mais également les sujets sociétaux comme la sexualité ou la religion. Selon Le Centre de protection des journalistes (CPJ), près de 80% des professionnels des médias admettent la pratiquer, essentiellement pour des raisons économiques. La censure reste très étendue mais se manifeste essentiellement de façon indirecte, par le biais de pressions économiques.
La multiplication exponentielle des médias en ligne a exacerbé le manque de rigueur déontologique déjà prégnant depuis plusieurs années dans certains médias.
L’accès à l’information est souvent entravé par un manque de transparence et de communication par les autorités. Les journalistes ont souvent du mal à obtenir des informations et à mener des enquêtes approfondies en raison de la réticence des responsables gouvernementaux à divulguer des informations sensibles ou embarrassantes. Le cadre juridique relatif à l’accès à l’information reste insuffisant, bien que le Maroc ait adopté en 2018 une loi relative à la liberté d’accès à l’information, entrée en vigueur en mars 2019, cette loi n’est pas souvent appliquée et n’a pas permis de garantir un accès facile et transparent à l’information, en particulier pour les journalistes indépendants et les médias alternatifs.
La pandémie a contribué à affaiblir une profession déjà fragilisée. Les pertes d’emplois ont été importantes, une cinquantaine de postes supprimés, auxquels s’ajoutent la multiplication des conflits sociaux et des réductions des salariés allant de 20% à 50% durant la période de la crise sanitaire.
L’essor des médias en ligne a conduit à une augmentation significative du nombre de journalistes travaillant dans la presse digitale, aujourd’hui ils représentent 40% de l’effectif des journalistes marocains soit 1360 professionnels de l’information.
Malgré les avancées législatives et les politiques de promotion de l’égalité des sexes au Maroc, les femmes restent sous-représentées dans les médias, où près de 72% des journalistes sont des hommes. Confrontées à des obstacles tels que la discrimination, le harcélement ou les préjugés de genre, elles restent également sous représentées dans les postes de direction et organes de décisions dans les médias marocains. Elles ont également moins d’opportunités de couvrir des sujets sensibles, ce qui limite leur capacité à évoluer professionnellement.. Selon le CNP (Conseil national de la presse) seulement 259 des 1336 journalistes exerçant dans le secteur du numérique et ayant une carte de presse sont femmes (2021)
Les médias indépendants sont souvent créés et gérés par des journalistes soucieux de diffuser une information libre et diversifiée. Cependant, ces médias qui tendent à se concentrer sur des sujets sensibles et fournissent une couverture critique de l’actualité, ont du mal à atteindre un large public et manque de ressources financières, ce qui les empêchent de se développer.
Enfin, au Maroc, la formation au journalisme est assurée par une trentaine de filières universitaires, dont 4 écoles privées et une école publique, l’Institut supérieur de l’information et de la Communication, plus connu sous le sigle ISIC (isic.ac.ma). Créée en 1969, cette institution, la plus ancienne du pays, dispense un enseignement en arabe et en français. Chaque année en moyenne, l’école accueille une centaine de nouveaux inscrits.
En matière d’éducation aux médias, hormis les actions de sensibilisation menées par l’UNESCO au Maroc depuis 2012, à travers “la semaine de l’Éducation aux médias”, les acteurs nationaux tardent toujours à concrétiser leurs engagements dans ce domaine, notamment à travers l’introduction de cette matière dans les programmes de l’éducation nationale. Il n’existe pour l’heure aucun programme liés à l’éducation aux médias dans les cursus scolaires au Maroc.
Dossier bientôt disponible.
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Libye
Depuis que la Libye s’est enfoncée dans la guerre civile en 2014, les journalistes sont devenus des cibles et les médias des armes au service des factions en conflit. En se montrant de plus en plus partisans, les médias sont perçus comme des parties prenantes du conflit.
Les attaques contre les journalistes libyens sont favorisées par le cadre légal de l’ère Kadhafi qui n’a pas été aboli, comme la loi sur la presse de 1972, qui prévoit des peines de prison à perpétuité en cas de publication de nouvelles pouvant « porter atteinte à la réputation du pays et la confiance qui lui est portée à l’étranger ». De nouveaux délits restreignant la liberté d’expression et de la presse ont été ajoutés par les autorités en place après 2011. L’agence anti-terroriste, chapeautée par un groupe armé, a le pouvoir, depuis 2018, de censurer « toute information pouvant menacer la sécurité du pays, la sécurité de la société ou la sécurité nationale ».
La Libye est un pays dont la majorité de la population est de confession musulmane et porte des valeurs conservatrices. Le ministère des médias et les conventions sociales interdisent la diffusion d’images ou productions qui montrent le prophète Mohamed et ses compagnons.
Les sujets sur l’athéisme, la sexualité, les minorités de genre, les revendications féministes sont sensibles et considérés comme des lignes rouges à ne pas franchir par la plupart des médias et acteurs publics. La question de la participation des femmes à la vie politique est en revanche un sujet de plus en plus évoqué dans l’espace public. Comme dans le reste du monde, les femmes journalistes sont néanmoins les cibles privilégiées de cyberharcèlement.Les journalistes ont payé un lourd tribu dans les guerres civiles qui se sont succédées depuis 2011. Dans la décennie qui a suivi la révolution de 2011, plus de 30 journalistes et blogueurs ont été tués en Libye et, dans la plupart des cas, les coupables n’ont pas été traduits en justice. Depuis 2015, 247 journalistes ont été arrêtés ou ont été victimes de violences physiques par des militaires et groupes paramilitaires selon Libya Platform.
Entre mai 2020 et mai 2021, la Libyan Organization for independent Media (LOFIM) a recensé des violences contre 54 journalistes dont 45% à Tripoli, 41% à Benghazi. Ils ont été victimes d’attaques, arrestations, interrogatoires par forces de sécurité ou fouilles de téléphone. En 2021 et 2022, LOFIM a recensé 10 attaques allant d’arrestations à des disparitions forcées de journalistes.
L’implosion du régime kadhafiste en 2011 a permis l’éclosion de dizaines de nouveaux médias, créés par des groupes révolutionnaires, hors de toute régulation. Deux ans plus tard, la parenthèse s’est refermée et la plupart des médias indépendants des nouvelles autorités ou groupes armées ont été attaqués ou fermés.
La déclaration constitutionnelle garantit la liberté de la presse mais aucun décret n’en protège l’exercice. Il existe seulement une circulaire datant du 3 mai 2021, émise par le gouvernement dit d’unité nationale (GUN) interdisant les arrestations et détentions de journalistes. Ce gouvernement formé en 2021, sous l’égide de l’ONU, s’était engagé à restructurer les organes contrôlant les médias. Aucune réforme n’a été engagé à ce jour. A Tripoli, un conseil des droits de l’Homme, rattaché au gouvernement, a été créé mais son activité réelle reste opaque et inconnue des défenseurs des droits humains et journalistes indépendants interviewés pour ce rapport.
Depuis 2014, un nouvel arsenal législatif cible les journalistes. Insulter les autorités, les emblèmes de l’Etat et son drapeau sont des délits passibles de prison. La formulation vague de ces textes offre une large interprétation aux autorités répressives.
Les journalistes, blogueurs et autres personnels de médias sont victimes d’arrestations et ciblés par toutes les parties, tandis que le personnel judiciaire est attaqué pour empêcher le fonctionnement normal de la justice. Les arrestations de journalistes au motif qu’ils ne possèdent pas de permis de travail sont régulières. A l’Est, plusieurs journalistes ont été poursuivis par des tribunaux militaires.
Libye
Depuis que la Libye s’est enfoncée dans la guerre civile en 2014, les journalistes sont devenus des cibles et les médias des armes au service des factions en conflit. En se montrant de plus en plus partisans, les médias sont perçus comme des parties prenantes du conflit.
Les attaques contre les journalistes libyens sont favorisées par le cadre légal de l’ère Kadhafi qui n’a pas été aboli, comme la loi sur la presse de 1972, qui prévoit des peines de prison à perpétuité en cas de publication de nouvelles pouvant « porter atteinte à la réputation du pays et la confiance qui lui est portée à l’étranger ». De nouveaux délits restreignant la liberté d’expression et de la presse ont été ajoutés par les autorités en place après 2011. L’agence anti-terroriste, chapeautée par un groupe armé, a le pouvoir, depuis 2018, de censurer « toute information pouvant menacer la sécurité du pays, la sécurité de la société ou la sécurité nationale ».
La Libye est un pays dont la majorité de la population est de confession musulmane et porte des valeurs conservatrices. Le ministère des médias et les conventions sociales interdisent la diffusion d’images ou productions qui montrent le prophète Mohamed et ses compagnons.
Les sujets sur l’athéisme, la sexualité, les minorités de genre, les revendications féministes sont sensibles et considérés comme des lignes rouges à ne pas franchir par la plupart des médias et acteurs publics. La question de la participation des femmes à la vie politique est en revanche un sujet de plus en plus évoqué dans l’espace public. Comme dans le reste du monde, les femmes journalistes sont néanmoins les cibles privilégiées de cyberharcèlement.Les journalistes ont payé un lourd tribu dans les guerres civiles qui se sont succédées depuis 2011. Dans la décennie qui a suivi la révolution de 2011, plus de 30 journalistes et blogueurs ont été tués en Libye et, dans la plupart des cas, les coupables n’ont pas été traduits en justice. Depuis 2015, 247 journalistes ont été arrêtés ou ont été victimes de violences physiques par des militaires et groupes paramilitaires selon Libya Platform.
Entre mai 2020 et mai 2021, la Libyan Organization for independent Media (LOFIM) a recensé des violences contre 54 journalistes dont 45% à Tripoli, 41% à Benghazi. Ils ont été victimes d’attaques, arrestations, interrogatoires par forces de sécurité ou fouilles de téléphone. En 2021 et 2022, LOFIM a recensé 10 attaques allant d’arrestations à des disparitions forcées de journalistes.
L’implosion du régime kadhafiste en 2011 a permis l’éclosion de dizaines de nouveaux médias, créés par des groupes révolutionnaires, hors de toute régulation. Deux ans plus tard, la parenthèse s’est refermée et la plupart des médias indépendants des nouvelles autorités ou groupes armées ont été attaqués ou fermés.
La déclaration constitutionnelle garantit la liberté de la presse mais aucun décret n’en protège l’exercice. Il existe seulement une circulaire datant du 3 mai 2021, émise par le gouvernement dit d’unité nationale (GUN) interdisant les arrestations et détentions de journalistes. Ce gouvernement formé en 2021, sous l’égide de l’ONU, s’était engagé à restructurer les organes contrôlant les médias. Aucune réforme n’a été engagé à ce jour. A Tripoli, un conseil des droits de l’Homme, rattaché au gouvernement, a été créé mais son activité réelle reste opaque et inconnue des défenseurs des droits humains et journalistes indépendants interviewés pour ce rapport.
Depuis 2014, un nouvel arsenal législatif cible les journalistes. Insulter les autorités, les emblèmes de l’Etat et son drapeau sont des délits passibles de prison. La formulation vague de ces textes offre une large interprétation aux autorités répressives.
Les journalistes, blogueurs et autres personnels de médias sont victimes d’arrestations et ciblés par toutes les parties, tandis que le personnel judiciaire est attaqué pour empêcher le fonctionnement normal de la justice. Les arrestations de journalistes au motif qu’ils ne possèdent pas de permis de travail sont régulières. A l’Est, plusieurs journalistes ont été poursuivis par des tribunaux militaires.
En 2020, l’ONG Libyan Organization For Independent Media (LOFIM) qui fait référence en Libye, a comptabilisé 218 médias pour le public libyen, dont 150 radios locales et 22 chaines de télévision y compris celles émettant depuis l’étranger. Une cinquantaine de station de radios locales auraient donc fermé depuis le recensement de 2014, effectué par Legatum institute Libya Media wiki.
99% des Libyens possèdent une télévision satellitaire et 76% d’entre eux la regarde tous les jours. La télévision est le moyen principal d’information, selon une étude réalisée en 2015 par BBC Media action. Ces statistiques sont à relativiser avec la part croissante de réseaux sociaux dans les usages des internautes libyens. Facebook est le principal site consulté en Libye, devant Youtube et Twitter.
Jusqu’en 2022, les médias basés en Libye et diffusés depuis des pays étrangers (Turquie, Jordanie, Tunisie, Egypte) étaient divisés en deux, recouvrant les deux camps rivaux s’opposant pour le contrôle du pouvoir. A l’Ouest, les chaines de télévision publiques et médias financés par le Qatar et la Turquie soutenait la ligne du gouvernement de Tripoli, tandis qu’à l’Est des chaines de télévisions et sites d’information (financés par les Emirats) défendaient le camp opposé incarné par le maréchal Haftar. Cette polarisation s’est effacée à la faveur des rapprochements entre les deux principaux leaders, (Abdelhamid Dabaiba, l’actuel premier ministre, et le maréchal Haftar) ainsi qu’entre les puissances régionales impliquées dans le conflit libyen. Deux chaines de télévision financées par les Emirats ont ainsi cessé d’émettre en 2022.
Le paysage médiatique est aujourd’hui largement soumis au gouvernement installé à Tripoli. Les médias sont placés sous l’autorité du ministère de la communication et des affaires politiques. Deux « Media Authority » distinctes continuent d’opérer et de maintenir une division entre Tripoli (capitale, à l’Ouest) et Benghazi (à l’Est). A l’Est la Libyan authority détient la Libyan Radio and Television Authority. Les médias publics ont changé de noms, mais leur gouvernance reste similaire à celle de l’ère Kadhafi, leurs équipes de direction ayant peu voire pas changé. Ils sont souvent divisés géographiquement entre l’Est et l’Ouest, suivant la division politique du pays. La Jamahiriya arab news agency (JANA) est devenue à l’Ouest la Libyan Arab News Agency et delivre la communication du gouvernement basé à Tripoli. La Jana news agency, à l’Est, est soutenu par la Russie et affiche des positions pro-Kadhafi.
Aucune disposition n’est prévue pour assurer le pluralisme des médias. Les autorités libyennes ont le pouvoir d’autoriser, dissoudre ou suspendre les activités d’associations et journalistes, qu’ils travaillent pour des médias locaux ou internationaux. Les autorités exploitent le vide constitutionnel pour poursuivre le régime répressif de Kadhafi à l’égard des médias. En juillet 2019, les autorités de l’Est de la Libye ont interdit 11 chaines satellitaires accusées d’opérer sans licences, de soutenir le terrorisme et l’extrémisme ou de menacer le tissu social libyen.
La confiance dans les médias libyens est faible dans la population à cause de leurs biais partisans et leur manque de transparence sur leurs financements. Selon plusieurs rapports sur le sujet et les journalistes interviewés par Journalisme & Citoyenneté, l’opinion majoritaire est que tous les médias suivent un agenda dicté par les intérêts politiques de leur propriétaire (ou principal soutien financier) lui-même affilié à un camp particulier. 82 % des libyens voudraient que les médias privés déclarent la source de leurs revenus. Quelques médias indépendants ont émergé depuis 2011, mais peinent à survivre ;
La propagation de désinformations et propos haineux est liée à la polarisation du paysage médiatique qui empêche de distinguer les faits établis des « fausses informations » diffusées par un camp pour discréditer l’autre. Les médias des deux camps mélangent en effet les informations vérifiées avec d’autres non vérifiées voire haineuses, entretenant ainsi la confusion du public. Internet et les réseaux sociaux sont vus comme des sources secondaires d’information pour vérifier des informations données par la télévision, mais le niveau de méfiance à leur égard est très élevé. Trois quarts des libyens sont favorables à l’existence d’un media financé par l’Etat, couvrant tout le territoire.
Les journalistes, citoyens et analystes de la Libye témoignent tous d’une immense difficulté à obtenir des informations fiables, chiffrées et détaillées sur l’actualité libyenne, la réglementation ou encore les statistiques nationales. Cette situation est en grande partie liée à l’héritage laissé par les 40 années de propagande du régime Kadhafi qui s’est employé à détruire les corps intermédiaires et producteurs d’informations concurrentes à son idéologie. Peu d’institut de sondage indépendant existe.
La loi promue par le gouvernement de l’accord national (GAN remplacé en 2021 par GUN) sur les publications donne à la Media Authority le droit absolu d’accorder des licences aux médias imprimés et en ligne, public et privé. Cette autorité va même parfois plus loin que les conditions fixées par la loi pour restreindre l’accès à ces permis. En 2016, le ministère des médias (du GAN) a demandé à tous les médias de lui fournir leurs sources de revenus et audit interne ainsi que leur permis de diffusion.
Les médias audiovisuels obtiennent leur autorisation de diffusion auprès de l’institution publique pour la radio et la télévision, rattaché au premier ministre ou bien auprès de la la Media authority. Dans les deux cas, la délivrance de ces licences est discrétionnaire. A l’Est de la Libye sous le contrôle des forces de Khalifa Haftar, un organisme similaire existe, avec les mêmes pouvoirs discrétionnaires. Selon les ONG, cet organisme opaque répond directement au commandant Khalifa Haftar.
La Libyan Media Foundation créé par le Gouvernement d’accord national en 2020, et largement critiqué pour son absence d’indépendance, a été supprimée en juin 2021. Les médias publics sont désormais placés sous l’autorité du Premier Ministre, ne garantissant donc toujours pas leur indépendance.
La déclaration constitutionnelle de 2011 stipule (article 15) que l’Etat garantit la liberté de créer des partis politiques, des associations et tout autre organisation de la société civile. Mais il n’y a pas de loi qui régule la formation de syndicats et organisations politiques. Un premier syndicat de journaliste a été créé en 2012, mais est resté inactif jusqu’à ce jour. En juin 2022, un nouveau syndicat indépendant des journalistes libyens s’est formé. Ce nouvel organe semble plus représentatif que le précédent et avoir à cœur de défendre la liberté de la presse.
Dans le même temps, une dizaine d’organisations de journalistes libyens se structurent et ont fondé une alliance en 2022 pour défendre la liberté de la presse, la réforme du secteur des médias et l’adoption d’une loi sur la régulation des médias portée par LOFIM.
Des journalistes indépendants ont par ailleurs créé le Libyan Journalists Independent Syndicate qui œuvre à recenser les attaques contre les journalistes et plaider pour une nouvelle réglementation protégant la liberté de la presse.
Médias comme citoyens pointent le climat d’insécurité et de menace permanentes à l’égard des journalistes. Ils sont conscients qu’il est une des causes principales de la désinformation. Dans une étude de 2014, ils estiment que si les médias rapportent avec crédibilité et équilibre les événements en pointant les groupes armés responsables d’exactions, ils deviennent immédiatement la cible de violences.
Le principal obstacle au développement des médias indépendants des pouvoirs politiques et militaires est le contrôle exercé par les autorités via notamment la commission sur la société civile – elle-même contrôlée par les services de renseignements. Tous les fonds provenant de l’étranger et à destination d’associations sont soumis à son autorisation, selon le décret 286 de mars 2019. Toute rencontre avec des étrangers doit également obtenir en amont son approbation.
Les formations professionnelles et techniques sont rares pour les journalistes en Libye alors que les besoins sont criants. La plupart des media trainings sont organisés à Tunis, ce qui exclue les journalistes ne pouvant pas se rendre en Tunisie, en particulier les femmes pour qui voyager seule est mal vu socialement. Pourtant la moitié voire la majorité des élèves en journalisme sont des femmes.
Il y a douze universités publiques en Libye qui ont des filières media : University of Benghazi, Tripoli University, the Open University of Libya, Misrata University, the University of Zawia, Azzaytuna University, the Omar Mukhtar University in Bayda, Elmergib University, Sirte University, Tobrouk University, Ajdabia University and Sabha University.
Le programme reste essentiellement théorique, sans pratique, car les professeurs ne sont pas des journalistes ou n’ont jamais pratiqué le journalisme. Le contenu des programmes date de l’ère Kadhafi et n’a pas été revu fondamentalement.
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Palestine
En Palestine, les textes législatifs relatifs aux médias, pour la plupart anciens, imposent aux journalistes des restrictions définies de manière vague et sans définitions claires du champ d’application. La législation actuelle considère la diffamation et la calomnie comme des infractions pénales passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.
Toutes les tentatives pour moderniser les lois sur les médias ont échoué jusqu’à présent, notamment celle concernant la création d’un conseil supérieur des médias ainsi que le projet de loi sur l’audiovisuel. En revanche, le décret n° 10 de 2018 sur la cybercriminalité est venu renforcer l’arsenal législatif pour encadrer la liberté des journalistes. Ce décret a suscité de nombreuses critiques parmi les journalistes ainsi que les organisations de défense des droits humains.
En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, il n’existe actuellement aucun système indépendant de réglementation de la radiodiffusion en Palestine, le pouvoir d’accorder des licences de télévision et de radio étant confié à des organismes gouvernementaux.
La loi fondamentale palestinienne garantit pendant le droit de toute personne de créer des médias.
Depuis trente ans, le paysage médiatique palestinien s’est beaucoup développé. La télévision est aujourd’hui le média le plus populaire ; La radio arrive en deuxième position et la presse occupe la troisième place. Les médias sociaux occupent aujourd’hui une place de plus en plus importante en tant que plateformes permettant aux Palestiniens d’accéder aux informations.
La Société Palestinienne de Radiodiffusion (PBC) est le radiodiffuseur de service public, contrôlé par l’autorité palestinienne. La PBC diffuse deux chaînes, « Palestine Générale » et « Palestine Live », et prépare le lancement d’une chaîne sportive.
En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, il existe plus de 40 chaînes de télévision privées (y compris des chaînes de télévision locales) et un nombre indéterminé de stations de radio. Il existe également une forte présence de la télévision par satellite, Al Jazeera, la télévision jordanienne et al-Arabiya étant les plus populaires parmi les diffuseurs étrangers. Six chaînes satellitaires sont diffusées depuis la Palestine : trois depuis la Cisjordanie (Palestine, Alfalasteenia et Mix) ; et trois de la bande de Gaza (Hona AlQuds, Al-Aqsa et Al-Kitab).
Pour les journalistes palestiniens, la situation sécuritaire demeure à haut risque. Les organisations de défense des droits de l’homme ont enregistré ces dernières années un nombre élevé de violations contre les professionnels des médias, notamment des arrestations et des détentions arbitraires, des agressions physiques et des raids contre des médias. Les journalistes ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils traitent de certains sujets.
Le censure préalable n’existe pas en Palestine. Cependant, les journalistes de Cisjordanie et de Gaza sont parfois harcelés après leur publication et les autorités pratiquent donc une forme de censure a posteriori qui incite les journalistes à s’autocensurer.
La censure en ligne du contenu palestinien, en particulier sur les réseaux sociaux, est également une réalité. Au premier semestre 2022, au moins 425 violations et actes de censure contre des contenus palestiniens ont été recensés. Selon « Sada Social Centre », une ONG basée à Ramallah, « les violations contre le contenus palestiniens sur les réseaux sociaux vont de la restriction des publications à la suppression ou la suspension de comptes individuels, notamment lors de l’utilisation de termes associés à l’occupation israélienne, qui sont répertoriés dans les algorithmes des plateformes.
Bien que le gouvernement palestinien ait déclaré à plusieurs reprises qu’il était prêt à favoriser le droit d’accès à l’information, aucune loi n’a encore été approuvée en ce sens.
L’augmentation du nombre de femmes dans le secteur des médias et l’augmentation du nombre d’étudiantes dans les facultés de médias des universités palestiniennes attestent de la participation grandissante des femmes au développement de la scène médiatique en Palestine.
À ce jour, la formation continue d’être un élément essentiel de l’environnement de développement des médias en Palestine où les programmes internationaux de développement des médias ont donné lieu pendant longtemps à des plans de formation massifs.
Le centre de développement des médias de l’Université de Birzeit propose pour sa part des programmes académiques menant à des diplômes de licence en journalisme et radio, ainsi que des diplômes professionnels et des cours spécialisés de courte durée en télévision, radio et journalisme écrit. Il existe également l’Institut des médias modernes de l’Université Al-Quds, Al-Quds Open University ainsi que le centre des médias de l’Université An-Najah.
En matière d’éducation aux médias, l’UNESCO a développé avec différents partenaires palestiniens, dont le Ministère de l’éducation et le Ministère de l’enseignement supérieur, le Bureau d’information du gouvernement et le Cabinet du Premier ministre, des programmes visant à promouvoir l’éducation aux médias, dans les écoles et les universités basés sur les lignes directrices et le modèle de politique d’éducation aux médias et à l’information (MIL) de l’UNESCO.
Les initiatives « dispersées » d’éducation aux médias ne reflètent pas la réalité de l’éducation aux médias en Palestine qui reste limitée. À cette fin, l’UNESCO Palestine prévoit de lancer un projet de cartographie de l’éducation aux médias, d’identifier les acteurs clés, les initiatives et d’introduire des recommandations.
Palestine
En Palestine, les textes législatifs relatifs aux médias, pour la plupart anciens, imposent aux journalistes des restrictions définies de manière vague et sans définitions claires du champ d’application. La législation actuelle considère la diffamation et la calomnie comme des infractions pénales passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.
Toutes les tentatives pour moderniser les lois sur les médias ont échoué jusqu’à présent, notamment celle concernant la création d’un conseil supérieur des médias ainsi que le projet de loi sur l’audiovisuel. En revanche, le décret n° 10 de 2018 sur la cybercriminalité est venu renforcer l’arsenal législatif pour encadrer la liberté des journalistes. Ce décret a suscité de nombreuses critiques parmi les journalistes ainsi que les organisations de défense des droits humains.
En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, il n’existe actuellement aucun système indépendant de réglementation de la radiodiffusion en Palestine, le pouvoir d’accorder des licences de télévision et de radio étant confié à des organismes gouvernementaux.
La loi fondamentale palestinienne garantit pendant le droit de toute personne de créer des médias.
Depuis trente ans, le paysage médiatique palestinien s’est beaucoup développé. La télévision est aujourd’hui le média le plus populaire ; La radio arrive en deuxième position et la presse occupe la troisième place. Les médias sociaux occupent aujourd’hui une place de plus en plus importante en tant que plateformes permettant aux Palestiniens d’accéder aux informations.
La Société Palestinienne de Radiodiffusion (PBC) est le radiodiffuseur de service public, contrôlé par l’autorité palestinienne. La PBC diffuse deux chaînes, « Palestine Générale » et « Palestine Live », et prépare le lancement d’une chaîne sportive.
En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, il existe plus de 40 chaînes de télévision privées (y compris des chaînes de télévision locales) et un nombre indéterminé de stations de radio. Il existe également une forte présence de la télévision par satellite, Al Jazeera, la télévision jordanienne et al-Arabiya étant les plus populaires parmi les diffuseurs étrangers. Six chaînes satellitaires sont diffusées depuis la Palestine : trois depuis la Cisjordanie (Palestine, Alfalasteenia et Mix) ; et trois de la bande de Gaza (Hona AlQuds, Al-Aqsa et Al-Kitab).
Pour les journalistes palestiniens, la situation sécuritaire demeure à haut risque. Les organisations de défense des droits de l’homme ont enregistré ces dernières années un nombre élevé de violations contre les professionnels des médias, notamment des arrestations et des détentions arbitraires, des agressions physiques et des raids contre des médias. Les journalistes ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils traitent de certains sujets.
Le censure préalable n’existe pas en Palestine. Cependant, les journalistes de Cisjordanie et de Gaza sont parfois harcelés après leur publication et les autorités pratiquent donc une forme de censure a posteriori qui incite les journalistes à s’autocensurer.
La censure en ligne du contenu palestinien, en particulier sur les réseaux sociaux, est également une réalité. Au premier semestre 2022, au moins 425 violations et actes de censure contre des contenus palestiniens ont été recensés. Selon « Sada Social Centre », une ONG basée à Ramallah, « les violations contre le contenus palestiniens sur les réseaux sociaux vont de la restriction des publications à la suppression ou la suspension de comptes individuels, notamment lors de l’utilisation de termes associés à l’occupation israélienne, qui sont répertoriés dans les algorithmes des plateformes.
Bien que le gouvernement palestinien ait déclaré à plusieurs reprises qu’il était prêt à favoriser le droit d’accès à l’information, aucune loi n’a encore été approuvée en ce sens.
L’augmentation du nombre de femmes dans le secteur des médias et l’augmentation du nombre d’étudiantes dans les facultés de médias des universités palestiniennes attestent de la participation grandissante des femmes au développement de la scène médiatique en Palestine.
À ce jour, la formation continue d’être un élément essentiel de l’environnement de développement des médias en Palestine où les programmes internationaux de développement des médias ont donné lieu pendant longtemps à des plans de formation massifs.
Le centre de développement des médias de l’Université de Birzeit propose pour sa part des programmes académiques menant à des diplômes de licence en journalisme et radio, ainsi que des diplômes professionnels et des cours spécialisés de courte durée en télévision, radio et journalisme écrit. Il existe également l’Institut des médias modernes de l’Université Al-Quds, Al-Quds Open University ainsi que le centre des médias de l’Université An-Najah.
En matière d’éducation aux médias, l’UNESCO a développé avec différents partenaires palestiniens, dont le Ministère de l’éducation et le Ministère de l’enseignement supérieur, le Bureau d’information du gouvernement et le Cabinet du Premier ministre, des programmes visant à promouvoir l’éducation aux médias, dans les écoles et les universités basés sur les lignes directrices et le modèle de politique d’éducation aux médias et à l’information (MIL) de l’UNESCO.
Les initiatives « dispersées » d’éducation aux médias ne reflètent pas la réalité de l’éducation aux médias en Palestine qui reste limitée. À cette fin, l’UNESCO Palestine prévoit de lancer un projet de cartographie de l’éducation aux médias, d’identifier les acteurs clés, les initiatives et d’introduire des recommandations.
La liberté de la presse est inscrite à l’article 15 de la Constitution jordanienne. Le secteur est principalement régulé par la loi sur la presse et les publications et par la loi sur l’audiovisuel qui englobe les publications électroniques. Au cours des 10 dernières années, plusieurs lois spécifiques sont par ailleurs venues empiéter sur la liberté de presse : la loi contre le terrorisme, la loi sur la cybercriminalité (2018)… Aujourd’hui ce sont plus de 20 lois et règlements qui encadrent l’exercice de la liberté de presse.
La loi sur la presse et les publications de 1993 puis de 1998, modifiée à de nombreuses reprises, a permis l’éclosion de nombreux médias privés, accordé la protection des sources et fondé les bases d’un accès à l’information publique. Mais elle a également prévu la mise en place d’une licence pour tout média, imprimerie, librairie ou agence de publicité ou de traduction, d’institut de sondage ou même de centres de recherches. En d’autres termes, l’autorisation est limitée.
Le gouvernement jordanien a adopté en 2011 une Stratégie Nationale des Médias en réponse aux Printemps arabes, stratégie destinée à établir « des médias jordaniens indépendants ancrés dans les principes de liberté, de pluralisme et de professionnalisme ». Pourtant, peu après, en 2011 et 2012, deux amendements à la loi sur la presse ont forcé près de 290 sites d’information à fermer faute de répondre aux nouvelles obligations réglementaires à l’obtention d’une licence de la Commission des Médias.
Libéralisé il y a vingt ans en 2002 avec la fin du monopole de la Jordanian Radio Télévision (JRTV), le secteur de l’audiovisuel est contrôlé. La loi sur les médias audiovisuels a rassemblé les régulateurs (l’un pour la presse écrite, l’autre pour l’audiovisuel) en un seul, la Commission Jordanienne des Médias (JMC). Le financement de cette Commission est entièrement couvert par l’État (€1,5 millions en 2019) et ses membres sont nommés par le Conseil des Ministres à qui il incombe de valider – ou pas – les décisions de la Commission d’attribuer des licences de diffusion aux radios et télévisions. Moins exposée, la Commission de Régulation des Télécoms détermine depuis 1995 les fréquences disponibles et les conditions de diffusion de services télécoms. 39 stations de radios disposent d’une licence dont 20 gouvernementales (et 6 pour des universités).
Le ministère de l’information a été remplacé par des porte-paroles du gouvernement qui exercent la tutelle sur le secteur et les médias d’État, à côté des ministères de la culture, des technologies de l’Information, des finances.
Quant à l’accès à l’information, l’absence d’une Commission indépendante à l’accès à l’information rend caduque toute tentative d’obtenir des informations de façon régulière ou de faire des recours en cas d’obstacle. De plus la pratique de la transparence est sélective : par exemple, la police réserve à sa propre station de radio l’exclusivité des informations de service sur l’état de la circulation.
Les Jordaniens délaissent leurs médias traditionnels (télévision et journaux) et s’informent essentiellement sur les réseaux sociaux : ils étaient connectés à 88% en 2018 contre 23% en 2012. Selon IPSOS (Résultat IPSOS 2018 cité dans le JORDAN MEDIA ASSESSMENT de l’USAID publié en juin 2021), au cours de la même période (entre 2012 et 2018), la consommation de la télévision a baissé de 93% à 80%, de la radio de 30 à 26% et des journaux quotidiens de 18 à 6% (avec des chutes vertigineuses des journaux officiels – Al Rai, Al Ghad et Ad Dustour).
La presse anglophone, dont l’audience est extrêmement marginale au sein de la population jordanienne, est généralement plus libre que la presse arabophone, bien que monotone et uniforme ; elle est destinée à un public essentiellement étranger, diplomates ou membres de ONG.
Parmi les médias commerciaux, la télévision privée Ro’ya et son site internet (http://roya.tv) dominent le marché publicitaire. Ro’ya et quelques radios privées comme Masaj, Dahab et Fun ou encore Rotana FM, se partagent l’audience avec Al Ghad et le site en anglais Jordan News lancé en janvier 2021.
Quelques médias professionnels à mission d’information subsistent sous le statut d’entreprises privées sans pour autant être commerciales : le site 7iber, la radio Al Balad et son site AmmanNet qui tente de fédérer des radios locales et communautaires avec un échange de programmes d’information, ou la webTv Aramram qui ne diffuse que sur les réseaux sociaux.
Les acteurs des médias jordaniens officiels sont organisés au sein de la Jordan Press Association (JPA), syndicat unique affilié jordanien à la Fédération Internationale des Journalistes.
ll n’existe aucune organisation regroupant les médias indépendants ou non-officiels en Jordanie. Les radios communautaires se sont regroupées en une fédération qui réunit les radios Al Balad, Voix de Karak, New Maan radio, Yarmouk FM et Farah Al-Nas, notamment bénéficiaires du programme européen de soutien aux médias jordaniens en 2015. Le Réseau des médias communautaires a rejoint la coalition de 15 organisations de la société civile jordanienne HIMAM.
Le marché jordanien ne peut absorber chaque année la foule de diplômés des sept principales institutions de formation au journalisme. Initiées en 1982 à l’université publique de Yarmouk à Irbid, ces formations restent principalement théoriques et sont assurées par des professeurs qui n’ont jamais été journalistes et qui n’ont pas de lien direct avec les médias. La pratique journalistique, la phase concrète du métier, ne fait donc pas partie de la formation.
Seules deux universités sur sept offrent des cours de médias électroniques. Six universités disposent de studios de production radio et de télévision, et plusieurs publient des journaux étudiants. L’offre est complétée par des formations en master proposé par le Jordan Media Institute (JMI) et par les centres de formation de la télévision nationale, par l’agence de presse officielle et par la Télévision privée Ro’ya.
Une commission indépendante sur l’éducation à la sécularisation travaille à la préparation d’un curriculum éducatif pour y introduire l’éducation aux médias, résultat de l’analyse faite par l’UNESCO en 2015. Une stratégie nationale a été adoptée jusqu’en 2023, avec des formations pour les enseignants du primaire, du secondaire et des universités sous l’égide du Jordan Media Institute (JMI).
Jordanie
La liberté de la presse est inscrite à l’article 15 de la Constitution jordanienne. Le secteur est principalement régulé par la loi sur la presse et les publications et par la loi sur l’audiovisuel qui englobe les publications électroniques. Au cours des 10 dernières années, plusieurs lois spécifiques sont par ailleurs venues empiéter sur la liberté de presse : la loi contre le terrorisme, la loi sur la cybercriminalité (2018)… Aujourd’hui ce sont plus de 20 lois et règlements qui encadrent l’exercice de la liberté de presse.
La loi sur la presse et les publications de 1993 puis de 1998, modifiée à de nombreuses reprises, a permis l’éclosion de nombreux médias privés, accordé la protection des sources et fondé les bases d’un accès à l’information publique. Mais elle a également prévu la mise en place d’une licence pour tout média, imprimerie, librairie ou agence de publicité ou de traduction, d’institut de sondage ou même de centres de recherches. En d’autres termes, l’autorisation est limitée.
Le gouvernement jordanien a adopté en 2011 une Stratégie Nationale des Médias en réponse aux Printemps arabes, stratégie destinée à établir « des médias jordaniens indépendants ancrés dans les principes de liberté, de pluralisme et de professionnalisme ». Pourtant, peu après, en 2011 et 2012, deux amendements à la loi sur la presse ont forcé près de 290 sites d’information à fermer faute de répondre aux nouvelles obligations réglementaires à l’obtention d’une licence de la Commission des Médias.
Libéralisé il y a vingt ans en 2002 avec la fin du monopole de la Jordanian Radio Télévision (JRTV), le secteur de l’audiovisuel est contrôlé. La loi sur les médias audiovisuels a rassemblé les régulateurs (l’un pour la presse écrite, l’autre pour l’audiovisuel) en un seul, la Commission Jordanienne des Médias (JMC). Le financement de cette Commission est entièrement couvert par l’État (€1,5 millions en 2019) et ses membres sont nommés par le Conseil des Ministres à qui il incombe de valider – ou pas – les décisions de la Commission d’attribuer des licences de diffusion aux radios et télévisions. Moins exposée, la Commission de Régulation des Télécoms détermine depuis 1995 les fréquences disponibles et les conditions de diffusion de services télécoms. 39 stations de radios disposent d’une licence dont 20 gouvernementales (et 6 pour des universités).
Le ministère de l’information a été remplacé par des porte-paroles du gouvernement qui exercent la tutelle sur le secteur et les médias d’État, à côté des ministères de la culture, des technologies de l’Information, des finances.
Quant à l’accès à l’information, l’absence d’une Commission indépendante à l’accès à l’information rend caduque toute tentative d’obtenir des informations de façon régulière ou de faire des recours en cas d’obstacle. De plus la pratique de la transparence est sélective : par exemple, la police réserve à sa propre station de radio l’exclusivité des informations de service sur l’état de la circulation.
Les Jordaniens délaissent leurs médias traditionnels (télévision et journaux) et s’informent essentiellement sur les réseaux sociaux : ils étaient connectés à 88% en 2018 contre 23% en 2012. Selon IPSOS (Résultat IPSOS 2018 cité dans le JORDAN MEDIA ASSESSMENT de l’USAID publié en juin 2021), au cours de la même période (entre 2012 et 2018), la consommation de la télévision a baissé de 93% à 80%, de la radio de 30 à 26% et des journaux quotidiens de 18 à 6% (avec des chutes vertigineuses des journaux officiels – Al Rai, Al Ghad et Ad Dustour).
La presse anglophone, dont l’audience est extrêmement marginale au sein de la population jordanienne, est généralement plus libre que la presse arabophone, bien que monotone et uniforme ; elle est destinée à un public essentiellement étranger, diplomates ou membres de ONG.
Parmi les médias commerciaux, la télévision privée Ro’ya et son site internet (http://roya.tv) dominent le marché publicitaire. Ro’ya et quelques radios privées comme Masaj, Dahab et Fun ou encore Rotana FM, se partagent l’audience avec Al Ghad et le site en anglais Jordan News lancé en janvier 2021.
Quelques médias professionnels à mission d’information subsistent sous le statut d’entreprises privées sans pour autant être commerciales : le site 7iber, la radio Al Balad et son site AmmanNet qui tente de fédérer des radios locales et communautaires avec un échange de programmes d’information, ou la webTv Aramram qui ne diffuse que sur les réseaux sociaux.
Les acteurs des médias jordaniens officiels sont organisés au sein de la Jordan Press Association (JPA), syndicat unique affilié jordanien à la Fédération Internationale des Journalistes.
ll n’existe aucune organisation regroupant les médias indépendants ou non-officiels en Jordanie. Les radios communautaires se sont regroupées en une fédération qui réunit les radios Al Balad, Voix de Karak, New Maan radio, Yarmouk FM et Farah Al-Nas, notamment bénéficiaires du programme européen de soutien aux médias jordaniens en 2015. Le Réseau des médias communautaires a rejoint la coalition de 15 organisations de la société civile jordanienne HIMAM.
Le marché jordanien ne peut absorber chaque année la foule de diplômés des sept principales institutions de formation au journalisme. Initiées en 1982 à l’université publique de Yarmouk à Irbid, ces formations restent principalement théoriques et sont assurées par des professeurs qui n’ont jamais été journalistes et qui n’ont pas de lien direct avec les médias. La pratique journalistique, la phase concrète du métier, ne fait donc pas partie de la formation.
Seules deux universités sur sept offrent des cours de médias électroniques. Six universités disposent de studios de production radio et de télévision, et plusieurs publient des journaux étudiants. L’offre est complétée par des formations en master proposé par le Jordan Media Institute (JMI) et par les centres de formation de la télévision nationale, par l’agence de presse officielle et par la Télévision privée Ro’ya.
Une commission indépendante sur l’éducation à la sécularisation travaille à la préparation d’un curriculum éducatif pour y introduire l’éducation aux médias, résultat de l’analyse faite par l’UNESCO en 2015. Une stratégie nationale a été adoptée jusqu’en 2023, avec des formations pour les enseignants du primaire, du secondaire et des universités sous l’égide du Jordan Media Institute (JMI).
Liban
Le système politique confessionnel en vigueur au Liban influence tous les aspects de la vie sociale et politique, y compris le secteur des médias. En conséquence, les forces politiques concurrentes du pays utilisent depuis longtemps les médias comme moyens pour communiquer avec leurs électeurs et cherchent à influencer des journalistes, des écrivains, des intellectuels et des producteurs, et surtout, à façonner le débat public. Cette réalité contradictoire et « plurielle » du système a permis à la liberté d’expression de s’épanouir de façon plus importante que dans d’autres pays de la région. Néanmoins, les interventions de différents partis politiques dans la sphère médiatique engendrent des problèmes d’indépendance éditoriale et de viabilité financière, d’autant plus que différents médias libanais ont des modèles économiques qui dépendent des financements politiques.
Ce système confessionnel renforce par ailleurs les tabous de la société libanaise : tabous institutionnels, tabous religieux et tabous liés au genre et à la sexualité. Malgré le pluralisme médiatique libanais, le monopole de longue date des différentes forces politiques du pays sur le secteur des médias a facilité la diffusion de la propagande d’acteurs politiques pour contrer les oppositions et les groupes marginalisés. Ainsi, depuis 2017, le nombre de violations contre les journalistes, les militants et les influenceurs dans le pays a considérablement augmenté.
Au Liban, les médias sont officiellement régis par un système législatif qui concernent différents secteurs. Actuellement, les textes clés et les plus pertinents sont la loi de 1962 sur la presse, la loi de 1994 sur l’audiovisuel (loi 382), la loi de 1994 sur la diffusion par satellite (loi 531) et la loi de 1947 sur le cinéma. L’exécution de ces lois et procédures est aléatoire et incohérente. Compte tenu de la présence et de l’influence croissantes des sites d’information et des médias alternatifs sur le web, une nouvelle loi sur les médias visant à réglementer ces nouveaux moyens de communication est également en discussion depuis plus d’une décennie.
La question du pluralisme au Liban est étroitement liée au système politique du pays. Le système confessionnel prévaut dans différents aspects de la vie sociale, politique et économique. Par conséquent, le Liban ne suit pas le modèle des médias contrôlés par l’État que l’on trouve généralement dans les régimes autoritaires des pays voisins. Cela a permis un certain degré de pluralisme, stimulant la création de journaux, de magazines et de centres culturels.
Cependant, les lois et réglementations imposent des restrictions aux médias et aux journalistes. Ils doivent ainsi naviguer à travers des politiques répressives et à travers la bureaucratie pour opérer dans le secteur des médias. Bien que le monopole de l’État sur les médias ait été aboli au début des années 1990, un nouveau monopole des chaînes de télévision établies, influencé et affecté par le financement politique, a par ailleurs émergé. Ainsi, un nouveau modèle basé sur la régulation audiovisuelle par des partis et acteurs confessionnels ou politiques s’est peu à peu instauré.
Aujourd’hui, les médias sociaux sont devenus la principale source d’information au Liban. Une grande majorité de la population les utilise. Les réseaux sociaux ont rendu l’accès à l’information plus facile et la capacité de créer et de diffuser du contenu est plus accessible aux entrepreneurs des nouveaux médias. La disponibilité des médias sociaux a favorisé le pluralisme en matière d’expression des opinions.
La création de nouveaux médias au Liban dépend par ailleurs des capacités financières disponibles pour lancer de nouvelles initiatives. Ces dernières années, la situation économique et sécuritaire du pays n’a pas été favorable au lancement de projets médiatiques.
Le contrôle de nombreux médias libanais par des intérêts politiques et/ou économiques constitue un réel problème depuis longtemps. Le projet Media Ownership Monitor (MOM) (lancé par la Fondation Samir Kassir et Reporters sans frontières, en partenariat avec le Global Media Registry) a montré clairement comment les membres de l’élite influente et de la classe politique du pays contrôlent des médias dans le but d’influencer le débat public et de promouvoir leurs intérêts.
La censure au Liban se présente sous diverses formes, en particulier la censure culturelle et la censure politique. La censure culturelle se caractérise notamment par l’interdiction des formes d’expression «sexuelle» et une variété de tabous sociétaux qui émergent dans les films, les concerts, les événements… La censure politique, plus controversée, va de la suppression des critiques implicites visant les personnalités du système politique libanais à l’interdiction d’images et de propos « offensants » à l’égard des régimes des pays voisins.
Dans le contexte libanais, alors que les violations explicites du principe de la liberté d’expression ne sont pas rares, l’autocensure est un sentiment beaucoup plus répandu. Par des actes d’intimidation et de harcèlement, ainsi que par la dépendance financière croissante des journalistes vis-à-vis de leurs médias, les principales forces politiques et services de sécurité du pays peuvent imposer des restrictions indirectes à la liberté d’expression.
Encore peu étudiée dans le contexte libanais, la désinformation est un problème qui fait régulièrement surface dans la sphère médiatique, en particulier sur les médias sociaux. Bien qu’Internet ait été une plateforme relativement utile pour le développement des médias indépendants afin d’atteindre un public plus jeune et en pleine croissance, il faut reconnaître que les réseaux sociaux servent surtout de relais à grande échelle à des forces politiques puissantes et influentes dans le pays. Au Liban, des plateformes telles que Facebook ou Twitter voient leurs pages inondées d’articles et de messages truffés de fausses nouvelles, qui sont diffusées soit délibérément à des fins politiques, soit involontairement, car les électeurs qui les soutiennent sont incapables d’isoler les fausses nouvelles et de produire des informations fiables.
Selon la loi « Accès à l’information » (loi n°28) votée en 2017 (première obligation légale pour l’État de publier les documents financiers et administratifs provenant de différents ministères et départements judiciaires), modifiée en juillet 2021, les journalistes ont le droit de demander tout document qui concerne l’intérêt public. Mais la réalité est beaucoup plus complexe et l’accès à l’information aléatoire, notamment en fonction des intérêts politiques que la publication des informations pourrait gêner.
Les journalistes libanais restent assez peu soutenus par leurs organisations syndicales et professionnelles : la grande majorité des associations et syndicats de presse sont étroitement liés aux principaux partis et personnalités politiques sectaires du pays. En raison de ce manque constant de protection, des journalistes de différentes régions du pays ont créé le Syndicat des médias alternatifs en 2019.
Toutes les études, tous les indicateurs et tous les rapports indiquent que la sécurité fondamentale des journalistes, des professionnels des médias, des reporters, des chercheurs et des écrivains est menacée au Liban. Le pays a connu ces dernières années nombre des violations directes des droits des journalistes, des agressions physiques et même des assassinats. Être journaliste au Liban est un métier à risques.
Sur le plan économique, les difficultés des professionnels du secteur existaient avant la crise mais elles n’ont cessé de se renforcer, d’autant que les journalistes sont peu ou mal protégés. Une étude réalisée par la Fondation Samir Kassir a ainsi mis en lumière les importantes atteintes au droit du travail et aux droits sociaux en général dans le domaine des médias.
Il existe également dans le secteur des médias libanais une problématique concernant les questions de genre. Le ton, la rhétorique, les conditions de travail concernant les questions liées aux femmes et aux membres de la communauté LGBTQ+ présente un réel problème. Cela illustre la façon dont les discours misogynes, sexistes et homophobes imprègnent la sphère médiatique.
Les femmes, la communauté LGBTQ+, les travailleurs migrants et les réfugiés ne sont que quelques exemples de groupes marginalisés qui reçoivent constamment des discours discriminatoires et haineux sur les plateformes de médias sociaux en ligne de différentes chaînes de télévision et journaux. Des recherches récentes menées par la Fondation Samir Kassir montrent que le discours de haine au Liban se traduit en particulier par des commentaires et insultes à caractère sexiste.
Sur le terrain de la formation des journalistes, on peut distinguer deux catégories au Liban : la formation offerte par les organisations internationales, les institutions officielles et les organisations non gouvernementales du pays, et la formation académique formelle offerte dans certaines universités avec un programme complet (Université Libanaise, Université Saint-Joseph, Université Américaine de Beyrouth…).
Enfin, dans le domaine de l’éducation aux médias, un programme complet d’éducation aux médias a été mis en place à l’Université américaine de Beyrouth et à l’Université libanaise américaine. Il existe aujourd’hui un manque de préparation ou d’intervention adéquate de l’État dans ces domaines. La question de l’éducation aux médias reste confinée aux programmes des établissements d’enseignement d’élite. Cependant, la société civile tente de mettre en œuvre des initiatives alternatives afin de développer l’éducation aux médias au Liban.
Liban
Le système politique confessionnel en vigueur au Liban influence tous les aspects de la vie sociale et politique, y compris le secteur des médias. En conséquence, les forces politiques concurrentes du pays utilisent depuis longtemps les médias comme moyens pour communiquer avec leurs électeurs et cherchent à influencer des journalistes, des écrivains, des intellectuels et des producteurs, et surtout, à façonner le débat public. Cette réalité contradictoire et « plurielle » du système a permis à la liberté d’expression de s’épanouir de façon plus importante que dans d’autres pays de la région. Néanmoins, les interventions de différents partis politiques dans la sphère médiatique engendrent des problèmes d’indépendance éditoriale et de viabilité financière, d’autant plus que différents médias libanais ont des modèles économiques qui dépendent des financements politiques.
Ce système confessionnel renforce par ailleurs les tabous de la société libanaise : tabous institutionnels, tabous religieux et tabous liés au genre et à la sexualité. Malgré le pluralisme médiatique libanais, le monopole de longue date des différentes forces politiques du pays sur le secteur des médias a facilité la diffusion de la propagande d’acteurs politiques pour contrer les oppositions et les groupes marginalisés. Ainsi, depuis 2017, le nombre de violations contre les journalistes, les militants et les influenceurs dans le pays a considérablement augmenté.
Au Liban, les médias sont officiellement régis par un système législatif qui concernent différents secteurs. Actuellement, les textes clés et les plus pertinents sont la loi de 1962 sur la presse, la loi de 1994 sur l’audiovisuel (loi 382), la loi de 1994 sur la diffusion par satellite (loi 531) et la loi de 1947 sur le cinéma. L’exécution de ces lois et procédures est aléatoire et incohérente. Compte tenu de la présence et de l’influence croissantes des sites d’information et des médias alternatifs sur le web, une nouvelle loi sur les médias visant à réglementer ces nouveaux moyens de communication est également en discussion depuis plus d’une décennie.
La question du pluralisme au Liban est étroitement liée au système politique du pays. Le système confessionnel prévaut dans différents aspects de la vie sociale, politique et économique. Par conséquent, le Liban ne suit pas le modèle des médias contrôlés par l’État que l’on trouve généralement dans les régimes autoritaires des pays voisins. Cela a permis un certain degré de pluralisme, stimulant la création de journaux, de magazines et de centres culturels.
Cependant, les lois et réglementations imposent des restrictions aux médias et aux journalistes. Ils doivent ainsi naviguer à travers des politiques répressives et à travers la bureaucratie pour opérer dans le secteur des médias. Bien que le monopole de l’État sur les médias ait été aboli au début des années 1990, un nouveau monopole des chaînes de télévision établies, influencé et affecté par le financement politique, a par ailleurs émergé. Ainsi, un nouveau modèle basé sur la régulation audiovisuelle par des partis et acteurs confessionnels ou politiques s’est peu à peu instauré.
Aujourd’hui, les médias sociaux sont devenus la principale source d’information au Liban. Une grande majorité de la population les utilise. Les réseaux sociaux ont rendu l’accès à l’information plus facile et la capacité de créer et de diffuser du contenu est plus accessible aux entrepreneurs des nouveaux médias. La disponibilité des médias sociaux a favorisé le pluralisme en matière d’expression des opinions.
La création de nouveaux médias au Liban dépend par ailleurs des capacités financières disponibles pour lancer de nouvelles initiatives. Ces dernières années, la situation économique et sécuritaire du pays n’a pas été favorable au lancement de projets médiatiques.
Le contrôle de nombreux médias libanais par des intérêts politiques et/ou économiques constitue un réel problème depuis longtemps. Le projet Media Ownership Monitor (MOM) (lancé par la Fondation Samir Kassir et Reporters sans frontières, en partenariat avec le Global Media Registry) a montré clairement comment les membres de l’élite influente et de la classe politique du pays contrôlent des médias dans le but d’influencer le débat public et de promouvoir leurs intérêts.
La censure au Liban se présente sous diverses formes, en particulier la censure culturelle et la censure politique. La censure culturelle se caractérise notamment par l’interdiction des formes d’expression «sexuelle» et une variété de tabous sociétaux qui émergent dans les films, les concerts, les événements… La censure politique, plus controversée, va de la suppression des critiques implicites visant les personnalités du système politique libanais à l’interdiction d’images et de propos « offensants » à l’égard des régimes des pays voisins.
Dans le contexte libanais, alors que les violations explicites du principe de la liberté d’expression ne sont pas rares, l’autocensure est un sentiment beaucoup plus répandu. Par des actes d’intimidation et de harcèlement, ainsi que par la dépendance financière croissante des journalistes vis-à-vis de leurs médias, les principales forces politiques et services de sécurité du pays peuvent imposer des restrictions indirectes à la liberté d’expression.
Encore peu étudiée dans le contexte libanais, la désinformation est un problème qui fait régulièrement surface dans la sphère médiatique, en particulier sur les médias sociaux. Bien qu’Internet ait été une plateforme relativement utile pour le développement des médias indépendants afin d’atteindre un public plus jeune et en pleine croissance, il faut reconnaître que les réseaux sociaux servent surtout de relais à grande échelle à des forces politiques puissantes et influentes dans le pays. Au Liban, des plateformes telles que Facebook ou Twitter voient leurs pages inondées d’articles et de messages truffés de fausses nouvelles, qui sont diffusées soit délibérément à des fins politiques, soit involontairement, car les électeurs qui les soutiennent sont incapables d’isoler les fausses nouvelles et de produire des informations fiables.
Selon la loi « Accès à l’information » (loi n°28) votée en 2017 (première obligation légale pour l’État de publier les documents financiers et administratifs provenant de différents ministères et départements judiciaires), modifiée en juillet 2021, les journalistes ont le droit de demander tout document qui concerne l’intérêt public. Mais la réalité est beaucoup plus complexe et l’accès à l’information aléatoire, notamment en fonction des intérêts politiques que la publication des informations pourrait gêner.
Les journalistes libanais restent assez peu soutenus par leurs organisations syndicales et professionnelles : la grande majorité des associations et syndicats de presse sont étroitement liés aux principaux partis et personnalités politiques sectaires du pays. En raison de ce manque constant de protection, des journalistes de différentes régions du pays ont créé le Syndicat des médias alternatifs en 2019.
Toutes les études, tous les indicateurs et tous les rapports indiquent que la sécurité fondamentale des journalistes, des professionnels des médias, des reporters, des chercheurs et des écrivains est menacée au Liban. Le pays a connu ces dernières années nombre des violations directes des droits des journalistes, des agressions physiques et même des assassinats. Être journaliste au Liban est un métier à risques.
Sur le plan économique, les difficultés des professionnels du secteur existaient avant la crise mais elles n’ont cessé de se renforcer, d’autant que les journalistes sont peu ou mal protégés. Une étude réalisée par la Fondation Samir Kassir a ainsi mis en lumière les importantes atteintes au droit du travail et aux droits sociaux en général dans le domaine des médias.
Il existe également dans le secteur des médias libanais une problématique concernant les questions de genre. Le ton, la rhétorique, les conditions de travail concernant les questions liées aux femmes et aux membres de la communauté LGBTQ+ présente un réel problème. Cela illustre la façon dont les discours misogynes, sexistes et homophobes imprègnent la sphère médiatique.
Les femmes, la communauté LGBTQ+, les travailleurs migrants et les réfugiés ne sont que quelques exemples de groupes marginalisés qui reçoivent constamment des discours discriminatoires et haineux sur les plateformes de médias sociaux en ligne de différentes chaînes de télévision et journaux. Des recherches récentes menées par la Fondation Samir Kassir montrent que le discours de haine au Liban se traduit en particulier par des commentaires et insultes à caractère sexiste.
Sur le terrain de la formation des journalistes, on peut distinguer deux catégories au Liban : la formation offerte par les organisations internationales, les institutions officielles et les organisations non gouvernementales du pays, et la formation académique formelle offerte dans certaines universités avec un programme complet (Université Libanaise, Université Saint-Joseph, Université Américaine de Beyrouth…).
Enfin, dans le domaine de l’éducation aux médias, un programme complet d’éducation aux médias a été mis en place à l’Université américaine de Beyrouth et à l’Université libanaise américaine. Il existe aujourd’hui un manque de préparation ou d’intervention adéquate de l’État dans ces domaines. La question de l’éducation aux médias reste confinée aux programmes des établissements d’enseignement d’élite. Cependant, la société civile tente de mettre en œuvre des initiatives alternatives afin de développer l’éducation aux médias au Liban.
Syrie
La révolution syrienne de 2011 a provoqué d’importants changements dans le paysage médiatique syrien qui a vu l’émergence de médias indépendants après près d’un demi-siècle de répression gouvernementale.
Cependant, en raison de la guerre en cours depuis 2011, qui a entraîné une division de facto du pays en quatre zones principales de contrôle, les médias et les journalistes indépendants sont aujourd’hui aux prises avec une myriade de défis existentiels, notamment des difficultés financières, juridiques, sécuritaires et sociales. Ces défis ne se limitent pas aux organes de presse et aux journalistes basés en Syrie, mais s’étendent à ceux qui sont en exil, en particulier dans les pays voisins où opèrent la plupart des médias syriens indépendants.
À l’exception d’une courte période (1954-1958) depuis son indépendance en1946, la Syrie a été caractérisée par une liberté d’expression restreinte. Par conséquent, les médias syriens, en particulier à l’époque de Hafez al-Assad (1971-2000), étaient parmi les plus censurés du Moyen-Orient.
Les tabous pour les médias syriens incluent toute critique ou discussion sur des questions liées au Président, à sa famille et à son entourage. Il est difficile voire impossible d’aborder les questions liées à l’armée et aux services de sécurité, à la religion, aux questions ethniques (la relation arabo-kurde), à la situation économique et au parti Baath.
En raison du large éventail de tabous et de restrictions et du manque de sécurité et de stabilité, la liberté de la presse s’est détériorée en Syrie depuis 2011. Ainsi, entre 2011 et 2022, le pays est devenu un des dix pires pays du monde en matière de liberté des médias, selon le classement de Reporters sans frontières.
Néanmoins, la révolution de 2011 a permis la multiplication des médias syriens. En 2016, jusqu’à 298 journaux circulaient dans différentes parties du pays, en plus de 17 journaux gérés par l’État ou affiliés au régime. Le nombre total de médias créés depuis 2011 pourrait atteindre 600.
Selon la dernière cartographie des médias syriens, en novembre 2019, il y avait 162 médias syriens actifs dont 67 sites internet. En outre, il y avait 36 stations de radio, 30 journaux, 13 chaînes de télévision, 10 agences de presse et six magazines.
Si la plupart des médias syriens (70,4 %) sont privés, ils ne sont pas nécessairement indépendants. Certains médias privés reçoivent des fonds non déclarés des gouvernements régionaux ou des hommes d’affaires affiliés aux gouvernements. Par conséquent, ces médias sont des outils qui participent à la guerre médiatique régionale entre différents pays ou axes.
Les lois sur les médias du régime et de l’administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES) stipulent explicitement (article 6 et article 2, respectivement) que les médias ne sont pas soumis à la censure. Néanmoins les reportages sur des questions jugées « sensibles » par les différentes autorités syriennes sont soumis à une approbation préalable. De plus, dans les territoires contrôlés par le régime, la photographie, le tournage de vidéos et la réalisation d’interviews sont interdits sans l’autorisation préalable du ministère de l’Information.
La situation des médias et des journalistes syriens en exil n’est pas moins compliqué dans certains pays. De manière générale, les médias et les journalistes basés dans les pays occidentaux exercent leur métier légalement et librement. À l’inverse, le travail des médias et des journalistes syriens dans les pays voisins de la Syrie est généralement « toléré ». Par conséquent, ils pratiquent une forte autocensure sur les questions liées au pays d’accueil pour éviter des représailles telles que la fermeture de leurs médias voire des arrestations ou des expulsions.
En ce qui concerne les fausses informations, une véritable lutte sur le récit concernant la réalité des développements sur le terrain s’est instaurée dès les premiers jours de la révolution syrienne. Bien que les manifestants appelant à la liberté et à la dignité utilisaient des moyens pacifiques au cours des premiers mois, le régime les dépeignaient comme des terroristes impliqués dans un complot financé par des ennemis internationaux et régionaux. Les médias syriens ont alors été utilisés comme des outils de désinformation.
Par le biais de l ’ « armée électronique syrienne », le régime syrien est connu pour être responsable de campagnes de désinformation bien organisées visant ses opposants. Par exemple, en novembre 2021, Meta Incorporation, la société mère de Facebook, a révélé qu’elle avait désactivé « Trois groupes de piratage distincts de Syrie qui ciblaient un large éventail de personnes en Syrie, notamment la société civile, des journalistes, des organisations humanitaires et l’armée anti-régime ». Chacun de ces trois groupes de piratage avait des liens avec le gouvernement syrien, y compris le renseignement de l’armée de l’air syrienne.
D’autre part, la polarisation politique, les normes professionnelles peu élevées et le manque de pratiques bien établies de vérification des faits ont ouvert la voie à la diffusion de fausses informations.
Il n’existe pas de loi concernant le droit d’accès à l’information en Syrie. La seule tentative remonte à 2019, mais le projet de loi n’a pas encore été approuvé. Cependant, ce droit est hypothétiquement garanti dans la loi n° 108 de 2011 sur les médias (articles 9 et 10) et la loi n° 3 de 2021 de l’AANES (article 10), qui en fait un droit pour les journalistes exclusivement.
Dans ce contexte, il convient de noter que la loi sur les médias du régime définit un journaliste ou une personne des médias comme « toute personne dont la profession est la création, la préparation, l’édition ou l’analyse de contenus médiatiques, ou la collecte des informations nécessaires, pour publication dans un média » ( Article 1). Néanmoins, conformément à l’article 10 du statut interne de l’Union des journalistes de la République arabe syrienne, « l’exercice du journalisme » en Syrie est soumis à la condition d’être membre de l’Union, qui est habilitée à délivrer des cartes de presse.
Le financement massif des médias indépendants syriens par la communauté internationale au début de la période qui a suivi la révolution de 2011 a contribué à créer des emplois dans les médias. À l’inverse, la diminution des ressources disponibles a ensuite créé un écart entre le grand nombre de journalistes et les faibles besoins des médias, d’autant plus que ces derniers sont principalement des organisations de taille modeste.
La révolution de 2011 constitue une étape importante dans l’implication des femmes syriennes dans les médias. Selon une enquête menée en 2016 auprès de plusieurs médias syriens créés après 2011, environ 54 % des équipes des stations de radio et 35 % du personnel de la presse écrite étaient des femmes. Cependant, seulement 38 % occupaient des postes supérieurs. Néanmoins, les femmes journalistes syriennes sont soumises à de multiples contraintes et risquent d’être tuées, arrêtées et victimes de disparition forcée. Entre mars 2011 et mai 2022, six femmes journalistes ont été tuées, tandis que six autres ont été détenues ou ont fait l’objet d’une disparition forcée.
Jusqu’à la révolution, la Syrie n’avait qu’une seule faculté des médias (à l’Université de Damas) ainsi que l’Université virtuelle syrienne, fondée en 2002, qui avait développé un programme sur les médias.
Récemment, quatre autres facultés ou instituts des médias ont vu le jour dans les universités nouvellement créées dans les zones contrôlées par l’opposition et dans le nord, à savoir l’Université d’Alep dans les zones libérées, l’Université internationale des sciences et de la Renaissance, Başakşehir İslam Akademisi/Alep et Idlib Université.
Mais au-delà de la question non résolue de l’accréditation de la plupart des universités dans les zones hors régime, la qualité de l’enseignement du journalisme d’une manière générale est discutable en raison du manque de ressources humaines et matérielles nécessaires.
Enfin, malgré la rhétorique officielle sur l’importance de l’éducation aux médias, il n’y a pas de tels programmes connexes dans les écoles (et les universités) syriennes. Seuls des ateliers et des formations parrainés par l’UNESCO sont mis en œuvre en coopération avec le gouvernement syrien.
Syrie
La révolution syrienne de 2011 a provoqué d’importants changements dans le paysage médiatique syrien qui a vu l’émergence de médias indépendants après près d’un demi-siècle de répression gouvernementale.
Cependant, en raison de la guerre en cours depuis 2011, qui a entraîné une division de facto du pays en quatre zones principales de contrôle, les médias et les journalistes indépendants sont aujourd’hui aux prises avec une myriade de défis existentiels, notamment des difficultés financières, juridiques, sécuritaires et sociales. Ces défis ne se limitent pas aux organes de presse et aux journalistes basés en Syrie, mais s’étendent à ceux qui sont en exil, en particulier dans les pays voisins où opèrent la plupart des médias syriens indépendants.
À l’exception d’une courte période (1954-1958) depuis son indépendance en1946, la Syrie a été caractérisée par une liberté d’expression restreinte. Par conséquent, les médias syriens, en particulier à l’époque de Hafez al-Assad (1971-2000), étaient parmi les plus censurés du Moyen-Orient.
Les tabous pour les médias syriens incluent toute critique ou discussion sur des questions liées au Président, à sa famille et à son entourage. Il est difficile voire impossible d’aborder les questions liées à l’armée et aux services de sécurité, à la religion, aux questions ethniques (la relation arabo-kurde), à la situation économique et au parti Baath.
En raison du large éventail de tabous et de restrictions et du manque de sécurité et de stabilité, la liberté de la presse s’est détériorée en Syrie depuis 2011. Ainsi, entre 2011 et 2022, le pays est devenu un des dix pires pays du monde en matière de liberté des médias, selon le classement de Reporters sans frontières.
Néanmoins, la révolution de 2011 a permis la multiplication des médias syriens. En 2016, jusqu’à 298 journaux circulaient dans différentes parties du pays, en plus de 17 journaux gérés par l’État ou affiliés au régime. Le nombre total de médias créés depuis 2011 pourrait atteindre 600.
Selon la dernière cartographie des médias syriens, en novembre 2019, il y avait 162 médias syriens actifs dont 67 sites internet. En outre, il y avait 36 stations de radio, 30 journaux, 13 chaînes de télévision, 10 agences de presse et six magazines.
Si la plupart des médias syriens (70,4 %) sont privés, ils ne sont pas nécessairement indépendants. Certains médias privés reçoivent des fonds non déclarés des gouvernements régionaux ou des hommes d’affaires affiliés aux gouvernements. Par conséquent, ces médias sont des outils qui participent à la guerre médiatique régionale entre différents pays ou axes.
Les lois sur les médias du régime et de l’administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES) stipulent explicitement (article 6 et article 2, respectivement) que les médias ne sont pas soumis à la censure. Néanmoins les reportages sur des questions jugées « sensibles » par les différentes autorités syriennes sont soumis à une approbation préalable. De plus, dans les territoires contrôlés par le régime, la photographie, le tournage de vidéos et la réalisation d’interviews sont interdits sans l’autorisation préalable du ministère de l’Information.
La situation des médias et des journalistes syriens en exil n’est pas moins compliqué dans certains pays. De manière générale, les médias et les journalistes basés dans les pays occidentaux exercent leur métier légalement et librement. À l’inverse, le travail des médias et des journalistes syriens dans les pays voisins de la Syrie est généralement « toléré ». Par conséquent, ils pratiquent une forte autocensure sur les questions liées au pays d’accueil pour éviter des représailles telles que la fermeture de leurs médias voire des arrestations ou des expulsions.
En ce qui concerne les fausses informations, une véritable lutte sur le récit concernant la réalité des développements sur le terrain s’est instaurée dès les premiers jours de la révolution syrienne. Bien que les manifestants appelant à la liberté et à la dignité utilisaient des moyens pacifiques au cours des premiers mois, le régime les dépeignaient comme des terroristes impliqués dans un complot financé par des ennemis internationaux et régionaux. Les médias syriens ont alors été utilisés comme des outils de désinformation.
Par le biais de l ’ « armée électronique syrienne », le régime syrien est connu pour être responsable de campagnes de désinformation bien organisées visant ses opposants. Par exemple, en novembre 2021, Meta Incorporation, la société mère de Facebook, a révélé qu’elle avait désactivé « Trois groupes de piratage distincts de Syrie qui ciblaient un large éventail de personnes en Syrie, notamment la société civile, des journalistes, des organisations humanitaires et l’armée anti-régime ». Chacun de ces trois groupes de piratage avait des liens avec le gouvernement syrien, y compris le renseignement de l’armée de l’air syrienne.
D’autre part, la polarisation politique, les normes professionnelles peu élevées et le manque de pratiques bien établies de vérification des faits ont ouvert la voie à la diffusion de fausses informations.
Il n’existe pas de loi concernant le droit d’accès à l’information en Syrie. La seule tentative remonte à 2019, mais le projet de loi n’a pas encore été approuvé. Cependant, ce droit est hypothétiquement garanti dans la loi n° 108 de 2011 sur les médias (articles 9 et 10) et la loi n° 3 de 2021 de l’AANES (article 10), qui en fait un droit pour les journalistes exclusivement.
Dans ce contexte, il convient de noter que la loi sur les médias du régime définit un journaliste ou une personne des médias comme « toute personne dont la profession est la création, la préparation, l’édition ou l’analyse de contenus médiatiques, ou la collecte des informations nécessaires, pour publication dans un média » ( Article 1). Néanmoins, conformément à l’article 10 du statut interne de l’Union des journalistes de la République arabe syrienne, « l’exercice du journalisme » en Syrie est soumis à la condition d’être membre de l’Union, qui est habilitée à délivrer des cartes de presse.
Le financement massif des médias indépendants syriens par la communauté internationale au début de la période qui a suivi la révolution de 2011 a contribué à créer des emplois dans les médias. À l’inverse, la diminution des ressources disponibles a ensuite créé un écart entre le grand nombre de journalistes et les faibles besoins des médias, d’autant plus que ces derniers sont principalement des organisations de taille modeste.
La révolution de 2011 constitue une étape importante dans l’implication des femmes syriennes dans les médias. Selon une enquête menée en 2016 auprès de plusieurs médias syriens créés après 2011, environ 54 % des équipes des stations de radio et 35 % du personnel de la presse écrite étaient des femmes. Cependant, seulement 38 % occupaient des postes supérieurs. Néanmoins, les femmes journalistes syriennes sont soumises à de multiples contraintes et risquent d’être tuées, arrêtées et victimes de disparition forcée. Entre mars 2011 et mai 2022, six femmes journalistes ont été tuées, tandis que six autres ont été détenues ou ont fait l’objet d’une disparition forcée.
Jusqu’à la révolution, la Syrie n’avait qu’une seule faculté des médias (à l’Université de Damas) ainsi que l’Université virtuelle syrienne, fondée en 2002, qui avait développé un programme sur les médias.
Récemment, quatre autres facultés ou instituts des médias ont vu le jour dans les universités nouvellement créées dans les zones contrôlées par l’opposition et dans le nord, à savoir l’Université d’Alep dans les zones libérées, l’Université internationale des sciences et de la Renaissance, Başakşehir İslam Akademisi/Alep et Idlib Université.
Mais au-delà de la question non résolue de l’accréditation de la plupart des universités dans les zones hors régime, la qualité de l’enseignement du journalisme d’une manière générale est discutable en raison du manque de ressources humaines et matérielles nécessaires.
Enfin, malgré la rhétorique officielle sur l’importance de l’éducation aux médias, il n’y a pas de tels programmes connexes dans les écoles (et les universités) syriennes. Seuls des ateliers et des formations parrainés par l’UNESCO sont mis en œuvre en coopération avec le gouvernement syrien.