Les résultats du baromètre social des Assises 2020

Lors de la 13e édition des Assises internationales du journalisme de Tours, le sociologue des médias Jean-Marie Charon a présenté jeudi 1er octobre le baromètre social des Assises. Cette année, le chercheur au CNRS et à l’EHESS dresse un état des lieux des évolutions à l’œuvre dans les médias français, bouleversés par la crise du Covid-19. Cette intervention est à retrouver sur la chaîne et les comptes Twitter et Facebook des Assises. 

Comme chaque année, le baromètre social s’appuie sur les données fournies par la Commission de la Carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), dirigée par Pascale Urbansky, par la Correspondance de la presse, par les syndicats de journalistes – SNJ, CFDT et SNJ-CGT – et par de nombreux responsables de rédactions et RH de la PQR.

 

Les chiffres de la CCIJP :

Pour la onzième année consécutive le nombre de journalistes recule pour s’établir 33 679 (37 390 en 2009), soit un recul de 9,9%. L’érosion annuelle est nettement supérieure à la moyenne avec 892, après 319 au 1er janvier (371 en moyenne).

Un déficit apparaît clairement du côté des premières demandes qui tombent à 1239, contre 1757 en début d’année, soit -28,7%.[1]

Dans ce tableau plutôt sombre le nombre de « précaires » augmente, soit 24,12% (contre 23,79), un journaliste sur quatre. La catégorie qui augmente le plus étant les pigistes stagiaires.

La progression du nombre de femmes journalistes se poursuit, sans atteindre la parité à 47,5%.

 

Les principaux événements de l’année :

Agences :

AFP :

Le plan de départ volontaires conduit au départ de 125 personnes dont 48 journalistes et la suppression de 95 postes dont 23 journalistes (après embauches de 25 journalistes).

Reuters :

Plan de suppression de 25 postes en France, soit 30% de l’effectif dans le pays.

 

Presse quotidienne nationale :

Le Figaro :

Contrairement aux déclarations de son PDG, Marc Feuillet, fin 2018 (Lors de « Presse au futur ») selon lesquelles les diminutions d’effectifs en PQN n’étaient plus à l’ordre du jour, un plan de diminution est engagé pour les journalistes, visant 30 à 40 postes, parmi les plus âgés, l’imprimé étant le plus souvent cité.

L’Humanité :

Après le redressement judiciaire, avec l’acceptation du plan de continuation, un PSE conduit à la suppression de 35 postes sur 200 personnes. 28 journalistes sont concernés.

Libération :

Proposition de départs pour les salariés de plus de 58 ans, soit 26 personnes concernées.

France soir :

Licenciement de ce qui restait de la rédaction, soit 4 journalistes, après la démission de deux autres.

L’Equipe :

Situation tendue à la SAS L’Equipe (L’Equipe, L’Equipe Magazine, Vélo Magazine, France Football) après le rejet de l’Accord de Performance Collective (APC) de la direction par le personnel. Celui-ci combinait baisse des salaires et diminution des RTT, en prévision du financement d’un PSE qui pourrait toucher jusqu’à une centaine de personnes d’ici 2024.

Paris Turf :

Reprise du titre par le groupe NJJ de Xavier Niel, suite à la mise en liquidation. Soit un PSE qui porte sur une centaine d’emplois, dont63 journalistes.

A noter que le plan prévoyait l’arrêt de Biltoet Tiercé magazine.

 

Presse quotidienne régionale et PHR :

Ebra :

Suppression de 386 postes et création d’une entité prestataire (« Centre d’expertise partagé ») de 284 postes (fonctions supports) à la marge des rédactions (création graphique, pagination, trafic digital) situé en Meurthe et Moselle.

Sud-Ouest :

Nouveau plan de départs volontaires portant sur 132 postes dont 18 journalistes, sans compter 45 personnes sur des professions rattachées à la rédaction. Réévaluations des effectifs liés à l’imprimé et accent sur le numérique.

Corse Matin :

Ruptures conventionnelles touchant une dizaine de postes sur la rédaction comptant jusque-là une soixantaine de personnes.

Dépêche de Tahiti :

Plan de continuation pouvant toucher jusqu’à 10 personnes.

L’Echo :

Liquidation du titre prononcée en novembre, qui employait 42 salariés.

France – Antilles :

Après la liquidation du titre prononcée en janvier 2020 et l’arrêt de parution le 1er février,le titre est repris par NJJ, le groupe de Xavier Niel. 126 des 235 salariés seraient maintenus.

Journal de l’Ile de la Réunion :

Plan de sauvegarde et engagement d’un plan de départs volontaires.

Le Journal de la Bretagne :

Lancé en avril 2019 voit sa diffusion suspendue alors qu’il employait une dizaine de journalistes.

Nice Matin :

Reprise du titre par « Avenir et développement », filiale de NJJ, détenu par Xavier Niel, avec des clauses de cession (une vingtaine), des non renouvellements de CDD, mais aussi des embauches… avec des profils différents (bimédias).

Bayard service :

Editeur de journaux paroissiaux locaux, filiale du groupe Bayard, lance un PSE visant 18 personnes, parallèlement à une réorganisation de ses implantations.

Paris Normandie :

Après la mise en liquidation et la reprise du titre par le groupe La Voix du nord / Rossel, le projet de reprise impliquait 58 départs, dont 11 journalistes (y compris un cadre de la rédaction en chef).

La Marseillaise :

Mise en liquidation judiciaire le 13 juillet. Reprise par Maritima Médias (Ville de Martigues). « Maintien » de l’effectif d’une cinquantaine de personnes.

NRCO :

Le plan « Cap 23 » prévoit le « non remplacement des départs en retraite » d’ici fin 2023. Il doit conduire à une diminution d’une centaine de postes sur 481.

Le Parisien :

La direction du Parisien supprime les éditions départementales, remplacée par une seule. L’accent est mis sur le numérique et des thématiques transversales (formats longs…). Soit 30 suppressions de postes de journalistes (dont 16 en CDD).Parallèlement à l’embauche d’une dizaine de « nouveaux profils « , correspondant à la stratégie éditoriale .

 

Presse magazine :

L’Express :

56 clauses de session après le rachat du titre par Alain Weil, dont 42 journalistes en CDI, 9 pigistes et 5 CDDU. Par ailleurs un PSE visait 26 postes au sein de la rédaction.

CMI Publishing :

Ouverture d’une clause de cession sous forme de rupture conventionnelle collective pouvant toucher jusqu’à 40 journalistes.

Glamour :

Arrêt du titre, avec un PSE portant sur 25 postes.

Siné Madame :

Arrêt du titre lancé en avril 2019.

Actualité Juive :

Suite au redressement judiciaire de la société éditrice d’Actualité juive, est reprise par Almanacc. Dix emplois sont préservés sur un total initial de vingt.

Covid :

Grazia :

Arrêt de l’hebdomadaire imprimé, auquel doit succéder un mook, dont la production est externalisée (agence de communication,). Poursuite sur le numérique et l’événementiel, avec une rédactrice en chef et un journaliste web. PSE pour 31 personnes, dont 16 journalistes (jusqu’à 30 pigistes).

A noter que Reworld Media Magazine vient de déclarer la suppression de 60 postes, au-delà de Grazia, dont 2 postes chez Biba.

Timbres magazine :

Placement en redressement judiciaire de Timbropresse SAS, avec période d’observation de six mois. La société emploie 5 salariés.

 

Presse pro :

Ecran total :

Clause de session de l’ensemble de la rédaction. 14 salariés en 2019

Livre hebdo :

Passage au tout numérique et suppression de 7 postes, journalistes et collaborateurs à la rédaction, sur un effectif global de 17 salariés.

JukeboxMag :

La mise en liquidation judiciaire de la société éditrice « Jacques Leblanc Editions » entraine l’arrêt de la publication du titre depuis avril 2020.

 

Pure players :

Essonne info :

Arrêt du pure playerd’Information Politique et Générale, en février 2019.

Boxsons :

Arrêt du site de podcasts.

Explicite :

Dépôt de bilan, du site créé par d’anciens journalistes de ITélé, qui employait une vingtaine de salariés.

Webedia :

Un plan de« rupture conventionnelle collective » est mis en œuvre. Il concerne88 postes. Celui-ci concernerait « peu » de « journalistes », d’autant qu’il y a un flou sur les statuts dans ce type de pure players, selon les sites (Allociné, PureMédias ,PurePeople, Jeuxvideo.com, etc.).

 

Radio :

Radio France :

Annonce d’un plan d’entreprises prévoyant la suppression de 299 postes, dont 236 postes en départs volontaires.Après la grève celui-ci sera transformé en « rupture conventionnelle collective » (RCC). Un accord est finalement trouvé portant sur 340 départs, 183 étant remplacés. Engagement de 271 embauches d’ici 2022 (avec accent mis sur le numérique). Il y aurait également 88 titularisations. Soit une diminution d’effectif de 69 postes.

 

Télévision :

France Télévision :

Nouveau plan de départs volontaires conduisant à la suppression de 900 postes d’ici 2022. Celui-ci intervient après une réduction des effectifs de 800 postes depuis 2012.

France Médias Monde :

Un « Plan de départ volontaires » vise 30 journalistes en CDI.Soit 20 postes de journalistes arabophones travaillant Monte Carto Doualiya(MCD), soit le tiers de la rédaction. Soit également dix postes de journalistes anglophones et lusophones à RFI.

Canal + :

Nouveau « plan de départs volontaires » à Canal+ concernant jusqu’à 492 personnes, ce qui en rajoutant le non remplacement de postes inoccupés représentera 544 postes supprimés. Nombre de journalistes non précisé, CNews n’étant pas impacté.

NextRadioTV :

L’accord conclu le 15 septembre entre direction et syndicat prévoit la suppression de 245 CDI (25% de l’effectif), auquel s’ajoute une baisse de 33% du volume des piges et 37% de celui des intermittents.

BeIN Sports France :

Projet de réorganisation pouvant entrainer la suppression d’une vingtaine de postes dont 12 CDI, certains occupés par des journalistes.

 

Focus Covid:

Choc et paradoxes du confinement :

Effondrement de la publicité : -30% sur le 1er semestre selon l’IREP-Kantar, dont 26,9% pour la TV, -20,8% pour la radio, -30,9% pour la presse écrite (-34,1% pour les magazines).

Décrochage de la vente au numéro :Celui-ci se combinant avec la faillite de Presstalis et la reprise erratique des dépôts dans certaines région (Sud-est) : fin mars ¼ des points de vente étaient fermés, la vente des quotidiens avait baissé de 44% et celle des magazines de 45% (article Alternatives-economiques.fr). C’est sans compter l’impact de la baisse, voire l’arrêt de service postal sur les abonnements.

Disparition de la matière de nombre de journalistes : sports, vie associative, événementiel, culture. Particulièrement pour les localiers de la PQR et les pigistes de ces secteurs.

Envolée des audiences, développements de nouveaux contenus dans les registres du fact checking, de l’accompagnement, de la solution et des services.

Organisation du travail bousculée : chômage partiel et télétravail.

Faillites : Paris Normandie, La Marseillaise et Paris Turf.

Arrêt de titres : Grazia sous forme hebdomadaire, Bilto, Tiercé Magazine.

PSE et autres plans sociaux :L’Equipe, NextRadioTV, Webedia

Gel des embauches : qui transparaît dans le recul des nouvelles demandes.

La mauvaise petite musique des journalistes qui quittent la profession : ce sera mon focus 2021.

[1] Les chiffres de ces deux premiers paragraphes sont ceux actualisés en août 2020. Les chiffres des paragraphes suivants sont issus des statistiques annuelles de la CCIJP au 1er janvier.

Le fil de Tours