Utilisation de l’IA, traitement médiatique des quartiers populaires, quotas pour le climat dans les médias… On vous raconte cette première journée des Assises du Journalisme de Tours.
Comment les rédactions s’emparent-elles de l’IA ? Dans une salle comble ce matin, Xavier Eutrope, journaliste spécialisé sur l’IA pour la Revue des médias de l’INA a modéré les débats. Au sein de l’Agence France-Presse, la réflexion a émergé début 2023, avec une première consigne éditoriale. « On a décidé d’interdire de produire des contenus avec l’IA générative, tout en donnant le droit de l’utiliser comme assistant », a expliqué Sophie Huet, directrice adjointe de l’Information chargée de l’IA et de l’innovation rédactionnelle de l’AFP. Cette expérimentation a débouché sur la création d’outils internes, notamment pour la transcription et la traduction. Du côté de France Télévisions, l’intention est « de ne pas brider d’autres métiers [ndlr : que les journalistes] qui en auraient besoin », a assuré Christophe de Vallambras, chef du MediaLab de l’Information de France Télévisions.
A 11 heures, les Assises se sont intéressées au traitement des quartiers populaires par les médias, vingt ans après les émeutes à Clichy-sous-Bois. Autour de Gilles Bruno (Observatoire des médias) à l’animation, Erwan Ruty, auteur de « Une histoire des banlieues françaises », a été catégorique : « Aujourd’hui, si on parle des banlieues, les gens quittent la pièce. On ne parle plus de cela. Ce n’est plus un sujet porteur ». Pour un meilleur traitement éditorial, encore faut-il que les mentalités évoluent à l’intérieur des rédactions. « Au-delà des médias Bolloré et de l’extrême droite, il y a du racisme dans des médias dits de gauche », a assuré Anissa Rami, journaliste à Booska-P et membre de l’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR)
Pour ou contre des quotas climat dans les médias ?
L’après-midi, les discussions se sont portées sur le traitement médiatique de l’urgence écologique. Avec Anne-Sophie Novel, journaliste indépendante à la modération, il a été question des catastrophes climatiques. Des rédactions se forment pour mieux traiter éditorialement ces événements. Mais « il y a un écueil », estime Ivan Couronne, rédacteur en chef “Avenir de la planète” pour l’AFP. « D’un côté, on a des journalistes qui s’inscrivent aux formations sur le climat et, de l’autre, ceux qui ne s’y inscrivent pas », a-t-il pointé. Nina Fasciaux, directrice des partenariats du Solutions Journalism Network (SJN) a proposé aux médias de se poser une question : « comment je peux délivrer une information utile à la société ? »
En deuxième partie, un débat animé à séparer la table en deux camps. D’un côté, Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat, a défendu l’idée d’établir des quotas pour le climat dans les médias, en passant par la loi. De l’autre, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), par la voix de son vice-président, Yann Guégan, s’est montré opposé à cette idée. Pourquoi ? « Pour une raison simple : il fait entrer le politique dans l’éditorial, a indiqué Catherine Lesvesque-Lecointre, membre de l’association des Journalistes Ecrivains pour la nature et l’écologie (JNE). Ce projet de quotas, tous mes collègues ont émis des réserves ». Loup Espargilière, rédacteur en chef de Vert le média, a évoqué quant à lui une autre raison : « Les journalistes n’aiment pas qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire. Tout ce qui contraint leur liberté éditoriale peut être très mal vécu par eux ».
Remise des Prix des Assises de l’EMI
En fin de journée, l’éducation aux médias et à l’information (EMI) était à l’honneur dans le grand amphithéâtre. Brice Toussaint, présentateur à TF1 et président du jury, a remis les Prix des Assises de l’EMI. On vous laisse découvrir le palmarès de cette année 2025. Une dotation de 1 500 euros accompagnent chacun des cinq prix distribués, en partenariat avec France Médias Monde, la Fondation TF1, le ministère de la Culture, la région Centre-Val de Loire et le réseau Canopée.