Journalisme : le dialogue Nord-Sud est en marche

 Née d’une réflexion commune avec les Universités Africaines de la Communication de Ouagadougou au Burkina Faso (UACO), le centre culturel Français d’Alger et de Tunis, et l’Alliance Internationale Francophone que préside Stéphane Hessel, la venue de onze étudiants africains et maghrébins a été, malgré la très grande difficulté à organiser cet échange, l’un des moments forts des Assises 2012.

Les Assises ont toujours fait une large part aux échanges des écoles de journalisme. Grâce au partenariat avec les 13 écoles reconnuies, ce sont chaque année des dizaines de futurs professionnels qui participent à nos travaux et les enrichissent. Cette année, nous avons souhaité aller plus loin : en invitant ces jeunes issus de 10 pays différents (Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Niger, Sénégal, Togo, Tunisie), il s’agissait de poser la première pierre d’un dialogue Nord/Sud fructueux entre les futurs professionnels qui auront demain la charge d’informer leurs concitoyens des deux côtés de la Méditerranée.

 

Les étudiants ont passé ainsi une semaine chez nous – certains n’avaient jamais posé le pied sur le sol français- et ont pu échanger avec de nombreux journalistes hexagonaux puisque plusieurs rédactions les ont reçus :  la Nouvelle République, RFI, France Info, France 3…

 

 » Belle expérience de vie et séjour enrichissant »

 

 

 

Le témoignage de Brou Kassi, étudiant en journalisme à l’Institut des Sciences et Techniques de la Communication d’Abidjan :

« Le séjour à Poitiers a été riche en apprentissage, partage et découvertes. Grâce aux Assises nous avons mieux connu les médias français, et enrichi nos réseaux relationnels. En effet, Nous avons rencontré de grands professionnels de l’information tels que Marie-Laure Augry, David Thomson, Edith Bouvier, Marine Olivesi, Hervé Ghesquière, Karim Talbi… Nous frotter à ses hommes du terrain est quelque chose d’énorme en termes d’expérience. Aussi, être en contact avec des étudiants comme nous, nous a offert une plus grande découverte de la formation journalistique en France.
Les visites dans différentes rédactions pour nous imprégner de la manière de travailler des médias français ont été fortes enrichissantes pour moi. (…)

Je ne le cache pas, l’écart en matière de médias entre ce que j’ai vu en France et chez moi en Côte d’Ivoire est très grand. Ce constat me fait comprendre que nous avons beaucoup de chose à apprendre dans notre cher métier en Afrique. C’est pourquoi, je plaide pour nous, étudiants africains qui étions aux Assises, afin que nous bénéficions de stages pratiques dans les rédactions françaises, de séjour d’études pour parfaire notre apprentissage du journalisme. »

 

Salifou Ouedraogo, étudiant à l’Institut des Sciences et Techniques de l’Information et de Communication (Istic) de Ouagadougou au Burkina Faso, décrit sont expérience aux Assises de la manière suivante : 

« Quels résultats ? En tant que « bébé journaliste », avoir l’opportunité de participer aux assises internationales du journalisme et de l’information a été une « entrée par la grande porte » dans le métier du journalisme. Je suis devenu un exemple à citer. Ceux que je n’entendais que par les ondes ou par les écrits, j’ai pu les voir et discuter avec eux en « live ». Aussi l’ouverture d’esprit des panelistes a-t-elle été une école à part entière pour les étudiants que nous sommes. Par ailleurs, dans tous les organes où nous avons été, que de chaleur dans l’accueil, que de franchise dans les débats, bref tout a été au delà de nos attentes. Durant tout le séjour en France tout a été à la merci de la joie, de l’écoute, du savoir et de la découverte. J’ai compris qu’il fallait encore une fois de plus dire merci à toutes les structures qui ont œuvré pour que les étudiants que nous sommes, puissions prendre part à cette belle tribune du « savoir ».

Regrets : Durant tout le processus des assises l’accent était mis sur « la rencontre d’étudiants en journalisme des écoles françaises et les étudiants africains ». Malheureusement, ce coté n’a pas vraiment été effectif. Car depuis la première fois qu’on s’est rencontré on ne s’est plus revu jusqu’à notre départ. La distance qui nous séparait était si grande. J’aurais aimé, une fois dans mon Burkina Faso, pouvoir écrire à beaucoup d’entre eux et garder d’office les liens. Par ailleurs, au niveau même des étudiants africains une question de « régionalisme » s’est imposée. Comme quoi, d’autres sont de l’ouest et d’autres de l’est. Cette « ségrégation » a fait l’objet d’énormes discutions entre nous. Pourtant de mon point de vue, une bonne équipe n’a ni de couleur, ni de provenance… cependant je reconnais aussi le droit pour tout un chacun d’avoir ou non de l’estime pour les autres. Une chose est sûre, toute action humaine renferme une belle leçon… Aussi faut-il noter qu’à notre niveau, la ponctualité a été source de multiples débats. Pire encore, certains ont même quitté l’auberge pour dormir ailleurs. Avec un esprit journaliste et sans complaisance je le dis avec un cœur apaisé. Je suggère donc que, les organisateurs dictent un code de conduite à tous les étudiants africains qui prendront éventuellement part aux assises dans les années à venir. Cette année, madame Andrée Navarro a trop souffert à cause de « ses enfants ».

Suggestions : Au regard de ce que nous avons appris ces quelques jours passés auprès des professionnels du métier, et en tenant compte de ce que nous vivons dans nos pays respectifs, comme organe de presse, nous ne pouvons que regretter ce retard en matière d’information dont l’Afrique fait l’objet. Nous, qui sommes en train de prendre la relève médiatique, avons quelques suggestions à l’endroit des organisateurs. Nous, à travers ma plume, souhaitons qu’après avoir fait le bilan de cette édition vous preniez en compte la nécessité : – Pour nous d’avoir des stages dans des organes français pour parfaire notre formation, – D’augmenter graduellement le nombre d’étudiants africains et d’étendre les pays participants à tous les pays francophones d’Afrique, – D’associer nos directeurs d’écoles aux assises afin qu’ils puissent échanger avec leurs collègues français pour éventuellement redynamiser le cycle d’étude, – De faire participer en 2013 des étudiants français aux UACO, – D’établir une coopération entre nos écoles de formation et les 13 écoles de journalisme françaises reconnues ; afin de faciliter la formation continue des étudiants africains dans les écoles françaises.« 

 

Idelette Mirabelle Bissuu, étudiante de Dakar, a de son côté publié deux articles sur les Assises dans le magazine sénégalais EnQuête+ auquel elle collabore régulièrement : 

Le coût salé du freelance et L’indépendance des journalistes dans tous ses états

 

Aïssa Omar Manga, étudiante à l’Institut de formation aux techniques de l’Iformation et de la Communication (IFTIC) à Niamey (Niger), a publié un article dans le mensuel Gazellemag : Les Assises internationales du Journalisme et de l’Information : même l’Afrique y était !

« Le séjour en France a été à la fois passionnant et enrichissant. Loin de tout ce que nous avions imaginé, les thèmes développés lors des ateliers et débats dépassaient largement nos attentes car traitaient de plusieurs préoccupations à la fois et les discussions ont été interactives. Personnellement, J’ai été agréablement surprise à la soirée des nominés du prix des assises lorsque j’ai découvert que le jury était constitué d’étudiants. Cela prouve combien les apprenants sont pris en compte contrairement aux écoles africaines où le droit d’évaluer est exclusivement réservé aux enseignants. Ensuite, la visite des medias français a été une partie fascinante de nos découvertes. Les journalistes que je ne connaissais que par leurs voix ou par leurs plumes, j’ai pu les rencontrer physiquement. Ces quelques instants passés avec eux ont été magiques pour moi car aucun moment ne peut valoir celui qu’on partage avec son idole. Par ailleurs Ces organes de presse en nous accueillant dans leurs rédactions nous ont permis de comprendre combien le journalisme est sous développé en Afrique d’où la nécessité pour nous de nous former davantage à travers si possible un stage en France car nous incarnons l’avenir de cette noble profession dans nos pays respectifs.

Dans l’ensemble, on peut soutenir que les assises ont été assez bien mais comme toute œuvre humaine, on y note quelques insuffisances, c’est pourquoi je tiens à vous faire les suggestions suivantes pour amélioration de la prochaine édition :

-Le journalisme étant un métier sans frontières en principe, il serait bien d’étendre la participation des étudiants à tous les pays francophones de l’Afrique ;

– Garantir la sécurité des étudiants africains en mettant à leur disposition un guide et un bus pour leurs déplacements pendant le séjour en France ;

– Inviter les directeurs de nos écoles à la prochaine édition afin qu’ils s’en inspirent et renforcent les dispositifs didactiques de leurs établissements ;

– Donner la chance aux étudiants de prendre part en tant qu’acteurs et non de simples spectateurs car ils sont la relève ;

– Faire en sorte que les étudiants français participent aux UACO pour avoir une idée de la pratique du journalisme en Afrique. »

 

Dimitri Vincent de Paul Wendyâm Kabore, étudiant en Master 2 Journalisme à l’Université de Ouagadougou (Burkina Faso) témoigne également de son expérience aux Assises :

« D’une manière générale, le séjour a été enrichissant à plusieurs titres.

– Découverte des rédactions partenaires des assises à Poitiers et à Paris. -Qualité des échanges et des débats au cours des ateliers professionnels.

– Symbiose, fraternité et complicité entre le groupe.

– Dynamisme et soutien permanent des accompagnateurs (André Navarro et Regina Ouattara)

– Programme général bien ficelé.

Notons que cette liste ne saurait être exhaustive.En outre, tous les étudiants ont montré un intérêt particulier à ces assises notamment sur la thématique, dont l’actualité en Afrique est indiscutable. Néanmoins, nous avons trouvé d’une manière significative, le manque d’organisation matérielle coté étudiant. Hors mis cela, les débats quoique enrichissant au cours des ateliers professionnelles, n’ont pas été orientés dans une perspective universelle mais uniquement dans l’univers français. Ce qui nous a désorientés quelques fois, compte tenu de l’écart existant entre le contexte africain et celui de l’hexagone.

*Critiques : L’idée d’associer des étudiants africains à ces échanges est très salutaire. En effet, grâce à cette initiative, nous avons pu toucher du doigt les réalités de fonctionnement des médias français. Ce qui, constituait un mythe pour nous ne l’est plus. Voir comment ils fonctionnent nous a permis de bien comprendre la structuration des médias modernes à l’ère de la professionnalisation. Comme tout voyage d’étude, tout n’a pas été rose. Nous notons entre autres : -Notre participation aux assises n’a pas été réellement active. Nous avons assisté en tant qu’intervenant. -Pas d’organisation pratique concernant la participation des étudiants. -Pas de bus assurant le transport en sécurité des étudiants, leur laissant souvent à la merci de quelques agresseurs dans la rue. Hors mis cela, nous avons formulés les suggestions suivantes :

*Suggestions -Dégager un à deux jours avant le début des assises pour que les étudiants participants puissent se concerter sur la thématique avant le début à proprement parler des assises. -Créer un atelier professionnel animé par les étudiants de telle sorte que chacun puisse faire un bref exposé sur la situation du journalisme dans son pays et cela en rapport avec la thématique retenue. -Insérer dans le programme une visite des écoles de journalisme reconnues par la profession en France. -Tenir compte du contexte africain dans l’élaboration des termes de références des ateliers professionnels. -Penser au transport et à la sécurité des étudiants prenant part aux échanges Notons que cette liste aussi ne saurait être exhaustive.

*Perspectives Au titre des perspectives, nous souhaitons que le groupe des étudiants participants puissent avoir un contact permanent avec l’alliance francophone, les assises et les UACO. Cela a l’avantage de pérenniser cette expérience première du genre. Aussi, nous formulons le vœu d’avoir des stages pratiques dans des médias français partenaires afin de renforcer nos acquis. En outre, organiser une rencontre entre nos différents directeurs d’écoles et instituts afin d’échanger les meilleurs pratiques entre écoles africaines et celles françaises. Enfin, inviter tous les étudiants participants aux assises à participer à une édition des UACO notamment celles de 2013. »

 

Lire enfin sur le pure-player lefaso.net l’article relatant la venue du Ministre burkinabè Alain Edouard Traoré à Poitiers.

{xtypo_rounded1}Découvrir le discours de Jean R.Guion, Président International de l’Alliance Francophone prononcé à Poitiers le 3 octobre 2012 en ouvrant le PDF {/xtypo_rounded1}

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