Pour la nouvelle directrice de l’information de l’Agence France Presse, Michèle Léridon, la situation est claire. Elle estime que dans ce contexte de défiance des médias et de concurrence accrue par l’explosion des médias numériques, l’AFP « se porte plutôt bien ».
Quelles sont, selon vous, les racines de la crise de défiance qui frappe aujourd’hui la plupart des médias traditionnels ?
La défiance ne touche pas que les médias, elle est beaucoup plus large. Du fait de leur proximité avec les élites et les politiques, les journalistes sont accusés d’une certaine connivence. Par ailleurs, nous avons dû faire des erreurs, manquer de recul et peut être justement manquer de lien avec le public pour expliquer nos choix. Une suspicion de complicité et de dissimulation s’est installée. Suspicion qui n’est pas toujours, voire même jamais justifiée. Personnellement, quand j’ai une information, je la donne.
Pensez-vous que du fait de son statut, l’AFP est exempte de tout reproche ?
Sans me poser en donneuse de leçons, il est vrai que notre statut nous oblige à fournir une information juste, équilibrée et impartiale. J’évite en principe le terme « objectif » car c’est vrai que nous sommes des hommes et des femmes, pas des machines. Mais effectivement, nous nous devons de délivrer une information pluraliste. Nous ne sommes évidemment pas exempts de tout reproche. Parfois, les griefs viennent même des deux bords et ça nous rassure.
Outre cette rigueur, quelle est selon vous la force de l’AFP ?
Notre présence sur le terrain. Nous avons plus de 1500 journalistes dans le monde entier. Notre force c’est d’abord ce réseau, mais aussi le fait de ne pas diffuser les rumeurs, de ne pas opter pour un camp, de n’être au service de personne. C’est grâce à son indépendance et sa fiabilité que l’AFP survivra.
A l’heure de la dictature de l’immédiateté, pourquoi avoir fait le pari de jouer la fiabilité plus que la rapidité ?
De tout temps, un journaliste à l’AFP a toujours balancé entre ces deux exigences que sont la rapidité et la fiabilité. Le fait que l’information soit maintenant disponible partout et en temps réel, nous laisse paradoxalement presque plus de temps. Attention, je parle en termes de minutes, ça ne veut pas dire que nous arrivons trois heures après les autres. Nous sommes quand même le grossiste : on est censé informer les médias, pas arriver après eux ! Pour moi, cette immédiateté nous donne surtout l’obligation d’apporter la fiabilité et la certification de l’information. Qu’à la fin de la journée, dans le flot, l’océan d’informations qu’ils ont reçues, les gens puissent se dire l’AFP au moins c’est recoupé, il y a des sources, c’est du solide.
Comment l’AFP a fait face à la révolution numérique ?
Dans un premier temps, le web a sans doute moins bouleversé les journalistes de l’AFP que d’autres médias car nous étions déjà connectés et déjà dans l’actualité en temps réel, avec des informations rapides en flux tendu. Après, comme tous les autres, nous avons dû nous adapter à cette nouvelle économie de l’information.
C’est avant tout ce défi que nous devons relever. Nos ressources viennent uniquement de la vente de contenus, donc, dès lors que nos clients souffrent économiquement, nous sommes impactés. Mais heureusement, l’agence s’est modernisée et s’est adaptée à ses nouveaux clients, les sites des journaux et les grands portails comme Yahoo ou MSN. Nous fournissons du texte mais aussi de la photo, de la vidéo, de l’infographie ainsi qu’un journal Internet. Au final, les uns ont compensé les autres.
Nous vivons également la crise et les contraintes budgétaires, mais je pense que l’on se porte plutôt pas mal. L’AFP est un média qui embauche toujours, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de rédactions.
Pour aller plus loin :
– Suivre Michèle Léridon sur Twitter
– Retrouver le grand débat des Assises : « Responsables » en vidéo
Fanny Bragard