Je suis rentré à Paris au printemps 68, après un long voyage en Asie du Sud-est où la guerre du Viêt-Nam faisait rage, et au Japon, où avaient eu lieu de grandes émeutes.
J’ai photographié la plupart des manifestations : « la prise de la Sorbonne » comme son abandon – « Trop tard CRS, la Sorbonne n’est pas un temple », scandaient alors les étudiants – , le théâtre de l’Odéon occupé, les usines Renault en grève, l’enterrement de Gilles Tautin, la grande manif gaulliste sur les Champs-Elysées et les barricades du quartier Latin, la rue Gay-Lussac.
Pendant des semaines mes vêtements étaient imbibés de l’odeur tenace des gaz lacrymogènes.
L’ORTF était en grève et, avec Godard, Chris Marker et d’autres, nous faisions de petits courts métrages appelés « cinétracts », en filmant nos photographies au banc-titre. Ces films étaient projetés à travers la France en grève, privée de télévision.
Il y avait urgence de communiquer, de se parler, de tout remettre en question, c’était la rébellion d’une génération contre ce que la société lui préparait, contre tout ce qui venait d’en haut.
Les slogans couvraient les murs : « IL EST INTERDIT D’INTERDIRE », « SOUS LES PAVÉS, LA PLAGE », « JOUISSEZ SANS ENTRAVES »… C’était une grande révolte d’adolescents qui vivaient dans un des pays les plus riches du monde, avant le choc pétrolier de 1973.
Mai 68 fut aussi « un luxe indispensable » au moment du « printemps de Prague ». Prague alors écrasée par les chars du pacte de Varsovie.
Bruno BARBEY,
Photographe – Agence Magnum
Un film de Caroline THIENOT-BARBEY « Mai 68 » de 14 minutes accompagne l’exposition de photographies.
Château de Tours
Du 2 février au 15 avril
25 avenue André Malraux
37000 Tours