Créateurs de contenus, secret des sources, faits divers, IA et manipulation de l’information… Le résumé de cette journée aux Assises du Journalisme de Tours.
Le matin, le public des Assises a pu s’intéresser à la question du secret des sources. Pour les protéger, la journaliste d’investigation pour Disclose, Ariane Lavrilleux a expliqué sa méthode : « On va poser toute une série de questions aux lanceuses et lanceurs d’alertes qui viennent vers nous. On doit évaluer les risques pour elles et eux, et pour nous. En fonction de cela, on va voir quels outils mettre en place ». Justement, la Maison des Lanceurs d’Alerte aide les rédactions à mieux s’outiller pour protéger les lanceurs d’alerte. Cela fait suite à un constat de sa déléguée générale, Elodie Nace : « Nous nous sommes rendu compte que le droit des lanceuses et lanceurs d’alerte est peu connu des journalistes dans ses subtilités ». La lanceuse d’alerte, Houria Aouimeur, a pour sa part insisté sur le fait d’avoir construit une relation de confiance avec la presse « non pas de faits divers, mais d’investigation ».
Dans la matinée, il a aussi été question de déontologie avec le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), de collectifs de journalistes avec le sociologue des médias, Jean-Marie Charon, ou encore des cursus de formation au journalisme agréé, avec la Conférence des Ecoles de Journalisme (CEJ).
L’Agora des Assises : « le coût pour fabriquer de la désinformation en masse est devenu nul »
C’était un temps fort des Assises : l’Agora. L’après-midi, syndicats, éditeurs, association et sociétés de journalistes se sont retrouvés pour débattre d’une question : comment résister à la manipulation de l’information ? « Si vous pensez que la situation est grave, elle est bien pire que ce que vous imaginez », a tonné David Colon, enseignant-chercheur à Sciences Po. « Le coût pour fabriquer de la désinformation en masse est devenu nul grâce à DeepSeek, l’IA chinoise », a-t-il précisé. « Il y a une séduction malsaine pour des dictateurs et des démocrates illibéraux qui entretiennent la défiance envers les journalistes », a jugé de son côté le directeur général de Reporters sans frontières (RSF).
Et cela semble avoir un impact, à en croire Lucile Berland, co-présidente de l’Observatoire français des atteintes à la liberté de la presse (Ofalp) : « On note que le cyberharcèlement des journalistes a un impact sur le travail journalistique. Les journalistes se retirent des réseaux sociaux et s’autocensurent ». Peter Limbourg, PDG de la Deutsche Welle (DW), a considéré qu’il faut que les médias continuent d’investir les réseaux sociaux. « Youtube est une plateforme importante. Elle nous permet de toucher des pays où nos médias sont bloqués. TikTok est plus problématique, mais il faut rester là où ça fait mal. Si on quitte les plateformes, on les laisse aux idiots et aux personnes mal intentionnées. » L’animation du débat, par Steven Jambot (RFI), a été saluée.
Au même moment, dans l’auditorium Ronsard, le public a été invité à s’interroger : les faits divers font-ils diversion ou société ? La deuxième réponse parait possible, à condition de « comprendre le temps long de la justice et les mécanismes qui se mettent en place après que le crime a été commis », a estimé Marie Zafimehy, journaliste chez RTL et coordinatrice du podcast « Les voix du crime ». « Il y a une distinction entre le fait divers traité généralement sous l’angle du récit par la presse quotidienne régionale, et le fait de société, généralement traité sous l’angle de l’analyse par les rédactions nationales qui s’intéressent à des faits divers », a clarifié Claire Ruffio, chercheuse en sociologie et science politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Sur YouTube, « les règles sont les mêmes pour tout le monde »
Quelques instants plus tard, c’était au tour de youtubeurs d’entrer en scène. Pendant deux heures, il a été question de la frontière entre journalisme et influence, de la rémunération des plateformes, de « slow journalism » ou encore de l’arrivée de Cyril Hanouna sur YouTube, sous les regards croisés de créateurs de contenus et de journalistes. Gaspard G, créateur, a défendu le slow journalism sur YouTube : « dans un monde où le chaos informationnel est tel, je trouve ça chouette de proposer du long format ». Stéphanie Perez, reporter à France Télévisions, en convient : « ce qui a changé, c’est le temps, l’immédiateté de l’information ». Interrogée sur le lancement de l’émission de Cyril Hanouna sur YouTube, la directrice générale de la plateforme, Justine Ryst, a répondu au public : « les règles d’usage et de respect des contenus sur YouTube sont les mêmes pour tout le monde, y compris lorsque l’on est un animateur très connu ».
Hondelatte fait entrer l’accusé
La voix de Christophe Hondelatte (Europe 1) a résonné au sein du palais du tribunal de Tours. Prenant exceptionnellement la place du président de la cour, le journaliste a fait entrer l’accusé pour une soirée exceptionnelle, suivi d’un débat en présence de Me Marc Morin, avocat pénaliste tourangeau, et de la procureure de Tours, Catherine Sorita Minard’s. Deux cents personnes ont écouté Christophe Hondelatte et son assemblée débattre du concept d’altération du discernement de l’accusé. Les bancs étaient pleins à craquer.
















































































































































































