Dans le camp d’Idomeni. Photographies d’Eric Bouvet.

 

En partenariat avec Promenade Vendome

 

En moins de 6 jours, le nombre de migrants dans le camp d’Idomeni, à la frontière Grèce-Macédoine, est passé de 4000 à 13000. Les ONG ainsi que le HCR ou le CICR font ce qu’ils peuvent, mais comment subvenir à un afflux, comment expliquer à ces gens qu’ils n’iront pas plus loin pour la plupart ? Ils sont épuisés mais joyeux de se trouver en Grèce, d’avoir échappé à la mort durant la traversée entre la Turquie et la Grèce.

 

Un jour comme un autre à Idomeni : 6h30 du matin, une centaine de personnes perdues dans le brouillard marchent en territoire inconnu avec la peur au ventre, peur de se faire voler, peur de la police. Elles traversent le champ et le petit ravin de 4 mètres qu’il leur faut franchir avec vieux, femmes enceintes et un handicapé moteur et mental. Ce dernier est porté par 4 hommes dans une couverture. Je leur explique que plus de 10000 personnes attendent dans le camp mais leur joie l’emporte. Je prends ma voiture, fais un grand tour afin d’éviter la police, et décide charger à l’arrière le handicapé et sa mère de 70 ans qui se couchent afin de ne pas être vus. Plus tard, je retrouve le groupe au milieu du camp dont un étudiant qui pleure et me dit qu’il aurait dû attendre à Athènes ou rester en Turquie. Pas de nourriture, pas de quoi dormir, 12000 personnes qui se marchent dessus. Les syriens et irakiens font la loi, il n’est pas bon être afghan, iranien ou pakistanais. 

Je repars sur la route. C’est un véritable exode d’un millier de personnes, chaque jour, qui viennent buter sur les barbelés. Une femme gît, à ses côtés un enfant de 3 ans. Elle est évanouie, le gamin hurle. Heureusement la police passe et m’aide, pour une fois, à la conduire à l’hôpital du camp où il est difficile de la faire admettre. Je croise un afghan avec sa femme et ses deux enfants, son troisième a été tué par les talibans. Ils fuient depuis 4 ans dont 3 passés en Iran avec passeports confisqués. Il y a aussi ces deux fère et soeur irakiens de 19 et 20 ans dont les parents sont partis en avion de Turquie pour l’Allemagne, ils apprennent qu’ils ne pourront pas les rejoindre ; cette jeune Yezidi de 18 ans réfugiée auprès d’une famille irakienne, a perdu les siens durant la traverséé ; ce jeune couple kurde qui s’est fait voler tout son argent ; ce couple de syriens avec un seul de ses enfants car l’autre a disparu en mer ; cette famille irakienne, avec la grand-mère de 80 ans trainée dans un fauteuil roulant rafistolé qui s’est faite arnaquée de 8000 euros par des passeurs ; un groupe de 32 migrants, visage ensanglanté, qui reviennent de la forêt où se trouve une ouverture dans la frontière, ils ont été cognés par la police macédoine ; ce couple syrien qui montre son bébé né sur la route et qui ne sait pas où dormir ce soir. La nuit il fait 3° mais le pire c’est la pluie qui transforme le terrain en un océan de boue. 

 

Des histoires comme celles-ci, il n’y a pas assez de places pour toutes les raconter. C’est le royaume de la misère sourde, celle de l’incompréhension, sans information, celle de l’emprisonnement alors que nous sommes en Europe. Kafka n’aurait pas renié cette situation. 

 

                                                                         Eric Bouvet, Grand Reporter

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Les images présentées dans cette exposition ont été réalisées entre le 28 février et le 5 mars 2016. Le lendemain, 6 mars 2016, le Conseil de l’Europe annonce la fermeture de la route des Balkans aux migrants. 

Du 7 mars au 8 avril au RDC de la Bibliothèque Centrale de Tours. 

 

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