Le banquet Journalisme et Citoyenneté vu par les étudiants de l’EPJT

Le Bateau ivre s’est transformé en restaurant le temps d’une soirée originale, mercredi. Au banquet des Assises du journalisme de Tours, 100 convives, 50 journalistes et 50 citoyens, se sont rencontrés pour échanger sur l’info, à toutes les sauces. Et essayer d’y retrouver goût.

L’embarquement à 19h30 était ambitieux. Encore plus avec des journalistes dont le défaut est de trop parler. Pourtant, tout le monde était à l’heure mercredi soir, au Bateau ivre, à Tours. La salle de spectacle a été transformée pour accueillir le deuxième banquet Journalisme et citoyenneté. Vingt-cinq tables ont été dressées pour la soirée avec, à chacune d’elles, deux professionnels de l’information, et deux « citoyens ». Les convives ont été choisis dans des associations locales, féministes, écologistes, et tous ont un rapport à l’information réfléchi. Objectif de la soirée ? Déguster un (bon) repas traiteur et discuter du goût de l’info.

Avant le début du service, Thierry Bouvet, président du centre associatif et artistique, monte sur scène, prend le micro, et déclame un discours à mi-chemin entre manifeste et poésie. « Vous voilà à vos assises, dans notre bateau. Ne soyons pas des galériens de l’info mais des volontaires de l’aventure du donné à voir, à raconter, à lire et à écouter. Veuillez ne pas m’en vouloir de tenter de jouer avec les mots. » Comme un sentiment de gêne d’être face à un parterre de professionnels, dont le métier est de manier les mots. D’ailleurs, tout au long de la soirée, les citoyens auront du mal à s’imposer et à prendre la parole.

 

L’ACADÉMICIEN RETARDATAIRE 

Un seul retardataire : Erik Orsenna. Il achevait, quelques minutes plus tôt, sa carte blanche à Mame où se tient pendant une semaine la seizième édition des Assises. Cambré, essayant de se cacher entre ses épaules, son entrée dans la salle cherche à être discrète. Jérôme Bouvier, président de Journalisme et citoyenneté, l’association organisatrice, le dévoile. L’académicien est applaudi.

Les entrées arrivent. Sur certaines tables, on trinque. Pour ouvrir l’appétit, spaghetti de courgettes accompagné de sa question : qu’est-ce qui vous donne goût à l’info ? Sur la table 7, pour Gaëlle, citoyenne, l’actualité nourrit sa curiosité, ses intérêts personnels, et lui permet de comprendre le monde dans lequel elle vit. Elle était infirmière en Ehpad. Son refus de se faire vacciner lui a coûté son poste en décembre 2020. Ça attise la curiosité de Catherine Boullay, journaliste à l’Opinion.

La conversation embraye naturellement sur le complotisme. Gaëlle a très mal vécu le fait qu’on lui colle cette étiquette : « J’étais informée, la santé c’est mon métier. Je discutais avec les médecins, et j’ai refusé en conscience ». Elle est maintenant en reconversion pour devenir assistante de direction. Elle avouera plus tard être aussi gilet jaune.

 

“JE ME PERMETS DE VOUS INTERROMPRE”

À l’autre bout de la salle, les citoyens de la table 23 parlent de leur goût pour le long format. Un podcast de plus d’une heure ne leur fait pas peur. Au contraire, ils aiment prendre le temps de développer un sujet sur le fond. Mais les vingt minutes de l’entrée n’auront pas permis de finir la conversation. Les assiettes sont vides. C’est le jeu des chaises musicales, on prend sa serviette sur le bras, son verre d’eau dans une main, le verre de vin dans l’autre et on se dirige vers une autre table.

Vient le plat de résistance : une escalope de poulet aux épinards pour accompagner le dégoût de l’info. Cette fois-ci, on n’hésite pas à être critique et pessimiste. « Qu’est-ce qui vous hérisse les poils dans l’info ? », interroge Lucile Berland, pigiste indépendante et médiatrice de la soirée.

Sur l’une des tables, le directeur de la rédaction de La Nouvelle République, Luc Bourianne, prend place face à Benoît Bruère de France 3. « Je me permets de te tutoyer », lance l’un d’eux à Gaëlle, l’ex-infirmière, qui ne voit pas de problème dans cette proximité.

Sauf quand la conversation devient technique et pas inclusive. « Je me permets de vous interrompre », lance-t-elle, un peu dépassée. De retour dans la conversation, elle lâche : « Je ne fais pas confiance aux lignes éditoriales ».

“ LES MARRONNIERS, ON N’EN PEUT PLUS ”

Sur la table 23, c’est davantage la diversité des rédactions qui est remise en cause. Deux citoyens interpellent une étudiante en journalisme sur les profils de sa promotion et leurs origines sociales. Un paramètre qui se ressent dans le choix des sujets. Du coq à l’âne, les JT laissent un goût amer chez beaucoup. « Les marronniers, on n’en peut plus », avoue Eric, membre d’un collectif d’artistes de rue.

Au dessert, les citoyens changent encore de place. Sucré rime avec solutions. Mais les citoyens ont quand même l’impression de ne pas être considérés. Zénaïde est membre de Touraine Women. Elle a pu présenter le concours qu’elle organise : récompenser les femmes cheffes d’entreprise de Tours.

La solution envisagée ici : davantage de jeunes dans les rédactions. Un sujet qui passionne Cécile Prieur, directrice de la rédaction de L’Obs. Autre proposition : l’éducation aux médias et à l’information. Les citoyens sont conscients de l’enjeu de bien s’informer, tout comme les journalistes, qui manquent parfois de pédagogie.

L’initiative a le mérite d’avoir mis le dialogue au cœur (coulant caramel) de la soirée. Au micro, une dame suggère que l’événement soit reproduit dans toutes les villes de France. Histoire de partager la recette.

Jane COVILLE et Maël PREVOST

Le fil de Tours

Vous aussi, Participez à notre enquête

Un Panthéon du Journalisme, en France et en Europe.

Quelles sont les 10 personnalités de l’histoire du Journalisme français qui incarnent le mieux, selon vous, les valeurs de notre métier ?

Quel·les sont les journalistes, aujourd’hui disparu·es, qui ont forgé votre imaginaire ? Vous ont fait rêver ? Vous ont peut-être donné envie de faire ce métier ?

Des journalistes dont l’œuvre ou la vie ont incarné nos valeurs, vous ont servi de repères ?

Qui sont ces "grand·es" journalistes en somme à qui notre communauté professionnelle est «reconnaissante » ?

L’association Journalisme & Citoyenneté, organisatrice des Assises du Journalisme de Tours, de Tunis et de Bruxelles, vous propose de participer à la création du PANTHEON du JOURNALISME, en France d’abord, en Europe ensuite, pour honorer ces femmes et ces hommes qui ont marqué ce métier de leur empreinte.

Pour participer, rien de plus simple. Choisissez dans la liste sur la page suivante les 10 personnalités qui méritent à vos yeux de rentrer en priorité dans ce Panthéon laïc et numérique.

Objectif : Identifier celles et ceux qui nous rassemblent. Contribuer à les faire mieux connaitre, avec la conviction que dans cette période de doute sur sa légitimité, notre métier a plus que jamais besoin de se raccorder à son histoire.

Nous partagerons les premiers résultats de cette consultation lors de la seizième édition des Assises du journalisme à Tours le 30 mars 2023.

Nous lancerons ensuite la démarche au niveau européen en proposant aux journalistes des 26 autres pays de l’UE de s’associer à l’initiative avec l’ambition de présenter le Panthéon des Journalistes Européen lors de la deuxième édition des Assises de Bruxelles à l’automne 2024.

En fonction de la dynamique créée, un groupe de travail proposera les évènements, les colloques, les publications qui permettront de valoriser au mieux l’histoire et l’œuvre des journalistes Panthéonisés.

Pour suivre le développement du projet, vous pouvez vous inscrire à la newsletter journalisme.com.