عن دول المشروع

La liberté de la presse est garantie par l’article 28 de la Constitution marocaine. Le secteur est régulé par la loi de la presse et de l’édition promulguée en 2016 Code de la presse 2016. Cette loi a abrogé celle de 2002, jugée comme restrictive. Plusieurs prescriptions ont été modifiées, et représentent des avancées. Elles comprennent la suppression de la peine de prison pour les délits de presse, la reconnaissance de la liberté à l’accès à l’information comme un droit constitutionnel, la reconnaissance des médias en ligne en tant que supports médiatiques à part entière. Autre ajustement positif, la création du Conseil national de la presse chargé de superviser la performance des médias et protéger la profession journalistique.

 

Cependant malgré ces réformes, l’environnement législatif relatif à la liberté de la presse impose des limites. En effet, si le nouveau code de la presse ne prévoit plus de peine de prison, il maintient en revanche la plupart des délits d’expression que prévoyait l’ancien code de 2002. Ces peines introduites par amendement dans le code pénal en juillet 2016, peuvent conduire un journaliste en détention, notamment pour les écrits ou discours publics “portant atteinte” à la monarchie, à la personne du roi, à l’islam et à l’intégrité territoriale du Maroc.

 

En outre, d’autres lois modifiées ou promulguées ces six dernières années viennent renforcer l’arsenal judiciaire : la loi antiterroriste adoptée après les attentats de Casablanca en 2003 et la loi sur la diffamation promulguée en 2019, qui prévoit des sanctions sévères pour lutter contre la diffamation sur les réseaux sociaux.

Dans le domaine de la loi audiovisuel, malgré la fin du monopole de l’Etat en 2002 avec la création la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) et les diverses lois visant à libéraliser le secteur adoptées en 2005, 2015 et 2016, le domaine reste étroitement contrôlé. En effet, bien que ces lois aient favorisé l’émergence de nouvelles stations de radios privées – Le Maroc compte 19 radios privées en 2022- et des chaînes de télévision publiques -9 chaînes-, le panorama des chaînes de télévision privées ne s’est pas élargi.

 

Enfin la loi sur l’accès à l’information entrée en vigueur en mars 2020, énumère treize catégories d’informations qui peuvent être exemptées du droit d’accès, comme la défense nationale et la vie privée. Cependant la portée de ces catégories n’est pas précisément définie, ce qui rend l’accès à l’information inéquitable.

 

La télévision reste la source d’information la plus populaire au Maroc. Le secteur de l’audiovisuel marocain dont les principales chaînes informatives sont 2M et Al Aoula peine toutefois à fédérer un large public, plus enclin à se tourner vers les chaînes satellitaires panarabes,et plus particulièrement la chaîne qatarie Al Jazeera.

 

Derrière le média de masse, internet est tout aussi répandu, surtout auprès des jeunes Marocains âgés de 18 à 35 ans. 87% d’entre eux s’informent via internet et les réseaux sociaux, où l’information n’est plus uniquement produite par des journalistes professionnels, mais aussi par des journalistes citoyens, influenceurs, blogueurs et créateurs de contenu.
Il n’existe toujours pas de cartographie permettant de recenser le nombre de sites qui inondent la toile marocaine, les estimations variables fluctuent entre 2000 et 5000.

 

Si la presse traditionnelle a investi l’espace digital, elle peine toutefois à s’y imposer, devancée par l’écrasante popularité des pure players arabophones. Ces médias dont beaucoup traitent l’actualité régionale, nationale et internationale sont parvenus à se faire une place dans le paysage médiatique comme Hespress  qui occupe la première place avec 19,3 Millions de visites quotidiennes, ou encore ChoufTV, une Web TV dont la ligne éditoriale axée sur le sensationnalisme, enregistre plus de 18 millions d’abonnés sur sa page Facebook et dépasse le milliard de vues par mois pour l’ensemble de ses vidéos sur YouTube.

 

La radio pour sa part enregistre sa plus forte pénétration dans les zones urbaines, et rassemble à l’échelle nationale 55% d’auditeurs. La radio publique Mohamed VI du Saint Coran, reste la radio la plus écoutée, suivie de Med Radio qui est en tête des radios commerciales. Ses programmes permettent une participation directe des auditeurs et sont principalement axés sur le divertissement et les sujets sociaux. Selon l’organe de réglementation, il existe au total 35 stations,16 appartiennent à l’Etat et 19 à des entités privées.

 

Enfin, la presse papier déjà confinée dans les zones urbaines en raison d’un taux d’analphabétisme élevé dans le pays et très fragilisée par une crise structurelle depuis de nombreuses années, n’a pas résisté à l’impact de la crise sanitaire.

 

Derrière ce pluralisme apparent, le paysage médiatique est marqué par une forte concentration de la propriété des médias entre les mains de quelques groupes privés. L’étude “Radioscopie des propriétaires des médias au Maroc”, réalisée en 2017 par le site d’information marocain Le Desk et l’ONG Reporters sans frontières (RSF), a mis en évidence une concentration importante des médias marocains entre les mains de quelques entreprises et personnalités influentes de la vie politique et économique du pays, ainsi que la Société nationale d’investissement, une holding appartenant à la famille royale.

 

Le secteur de la radio reste largement contrôlé par l’Etat, mais la propriété est plus diversifiée, avec la présence de petites entreprises. Les radios privées ont connu une croissance rapide au fil des ans, avec une part d’audience en constante augmentation. Le traitement des questions politiques au sein de ces médias reste cependant très restreint. Dans leur ensemble, les stations diffusent des émissions de divertissement, de la musique et des sujets économiques.

 

Enfin, la loi audiovisuelle marocaine n’autorise pas les stations de radio communautaires à émettre sur les ondes, internet reste le seul média libre au Maroc capable de contourner de telles restrictions. Au nombre de 69 en 2015, elles ne sont plus qu’une quinzaine aujourd’hui.

 

La pratique de l’autocensure est élevée au Maroc. Les journalistes évitent délibérément les sujets sensibles ou les modifient par peur des représailles. Par ailleurs, l’autocensure ne concerne pas seulement que les sujets politiques, mais également les sujets sociétaux comme la sexualité ou la religion. Selon Le Centre de protection des journalistes (CPJ), près de 80% des professionnels des médias admettent la pratiquer, essentiellement pour des raisons économiques. La censure reste très étendue mais se manifeste essentiellement de façon indirecte, par le biais de pressions économiques.

 

La multiplication exponentielle des médias en ligne a exacerbé le manque de rigueur déontologique déjà prégnant depuis plusieurs années dans certains médias.

 

L’accès à l’information est souvent entravé par un manque de transparence et de communication par les autorités. Les journalistes ont souvent du mal à obtenir des informations et à mener des enquêtes approfondies en raison de la réticence des responsables gouvernementaux à divulguer des informations sensibles ou embarrassantes. Le cadre juridique relatif à l’accès à l’information reste insuffisant, bien que le Maroc ait adopté en 2018 une loi relative à la liberté d’accès à l’information, entrée en vigueur en mars 2019, cette loi n’est pas souvent appliquée et n’a pas permis de garantir un accès facile et transparent à l’information, en particulier pour les journalistes indépendants et les médias alternatifs.

 

La pandémie a contribué à affaiblir une profession déjà fragilisée. Les pertes d’emplois ont été importantes, une cinquantaine de postes supprimés, auxquels s’ajoutent la multiplication des conflits sociaux et des réductions des salariés allant de 20% à 50% durant la période de la crise sanitaire.

 

L’essor des médias en ligne a conduit à une augmentation significative du nombre de journalistes travaillant dans la presse digitale, aujourd’hui ils représentent 40% de l’effectif des journalistes marocains soit 1360 professionnels de l’information.

 

Malgré les avancées législatives et les politiques de promotion de l’égalité des sexes au Maroc, les femmes restent sous-représentées dans les médias, où près de 72% des journalistes sont des hommes. Confrontées à des obstacles tels que la discrimination, le harcélement ou les préjugés de genre, elles restent également sous représentées dans les postes de direction et organes de décisions dans les médias marocains. Elles ont également moins d’opportunités de couvrir des sujets sensibles, ce qui limite leur capacité à évoluer professionnellement.. Selon le CNP (Conseil national de la presse) seulement 259 des 1336 journalistes exerçant dans le secteur du numérique et ayant une carte de presse sont femmes (2021)

 

Les médias indépendants sont souvent créés et gérés par des journalistes soucieux de diffuser une information libre et diversifiée. Cependant, ces médias qui tendent à se concentrer sur des sujets sensibles et fournissent une couverture critique de l’actualité, ont du mal à atteindre un large public et manque de ressources financières, ce qui les empêchent de se développer.



Enfin, au Maroc, la formation au journalisme est assurée par une trentaine de filières universitaires, dont 4 écoles privées et une école publique, l’Institut supérieur de l’information et de la Communication, plus connu sous le sigle ISIC (isic.ac.ma). Créée en 1969, cette institution, la plus ancienne du pays, dispense un enseignement en arabe et en français. Chaque année en moyenne, l’école accueille une centaine de nouveaux inscrits.

 

En matière d’éducation aux médias, hormis les actions de sensibilisation menées par l’UNESCO au Maroc depuis 2012, à travers “la semaine de l’Éducation aux médias”, les acteurs nationaux tardent toujours à concrétiser leurs engagements dans ce domaine, notamment à travers l’introduction de cette matière dans les programmes de l’éducation nationale. Il n’existe pour l’heure aucun programme liés à l’éducation aux médias dans les cursus scolaires au Maroc.